Tunisie : trois jeunes morts en détention, privés de soins, abandonnés par l’État

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Hazem Amara, Mohamed Amine Jendoubi et Wassim Jaziri. Trois noms. Trois jeunes hommes tunisiens. Trois morts en détention… en moins de quinze jours. Leur point commun ? Tous souffraient de graves pathologies. Aucun n’a reçu les soins nécessaires. Tous ont été laissés à leur sort, jusqu’à la mort. Une enquête publiée le 21 juillet 2025 par le média indépendant Inkyfada révèle les détails glaçants de ce drame qui dépasse les simples faits divers : c’est tout un système carcéral malade qui est mis en lumière.

Privés de soins, jusqu’au dernier souffle

Hazem Amara, 24 ans, originaire de Grombalia, était diabétique et avait subi cinq opérations à cœur ouvert. Incarcéré après un différend professionnel, malgré les tentatives désespérées de sa mère pour faire valoir ses antécédents médicaux, il n’a pas été pris en charge. Il meurt le 12 juillet à l’hôpital de Nabeul, ligoté, après avoir longuement vomi sans assistance médicale.

Mohamed Amine Jendoubi, 22 ans, souffrait lui aussi de diabète. Bien qu’un non-lieu ait été prononcé dans son dossier, il restait en détention. Sa mère avait tiré la sonnette d’alarme dès janvier 2025 en filmant son état de santé critique. Il décède à l’hôpital Charles Nicolle. La famille n’en est informée qu’une dizaine de jours plus tard… en voyant une vidéo circuler sur les réseaux sociaux.

Wassim Jaziri, 25 ans, souffrait de troubles psychiques. Incarcéré à la prison de Sfax, il n’avait pas mangé depuis quatre jours. Il le confie à son père la veille de sa mort. Le lendemain, le 19 juillet, sa famille apprend son décès, sans qu’aucune cause ne leur soit communiquée.

Un système carcéral à bout de souffle

Ces trois morts ne sont pas des cas isolés. Elles illustrent un système carcéral tunisien au bord de l’effondrement. L’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT) tire régulièrement la sonnette d’alarme : plus de 32 000 détenus pour à peine 18 000 places, des cellules surpeuplées, insalubres, sans suivi médical, ni infrastructures adaptées.

Les retards dans les transferts vers les hôpitaux, l’absence de médicaments, de soins, ou encore de personnel formé, aggravent les pathologies existantes. Le manque de lits, d’hygiène, de ventilation transforme les prisons en lieux de souffrance, voire de mise à mort lente pour les plus vulnérables.

Pire encore, la majorité de ces détenus sont jeunes, en détention provisoire, souvent pour de simples infractions, sans jugement ni véritable accès à la justice. Dans un pays où la pauvreté et la marginalisation frappent une grande partie de la jeunesse, la prison devient le dernier maillon d’un système d’exclusion. Un lieu où l’État abandonne les siens.

Silence officiel, indignation civile

Malgré l’ampleur du drame, aucune enquête indépendante n’a été lancée. Aucun ministère n’a publié de communiqué. Le silence des autorités est total. Ce mutisme alimente la colère des familles, des militants, des organisations de défense des droits humains.

Des associations telles qu’Intersection ou le Forum tunisien des droits économiques et sociaux réclament des comptes. Elles dénoncent l’impunité, exigent une réforme structurelle des prisons tunisiennes, un accès digne aux soins pour tous les détenus, et la fin de la détention arbitraire.

Mais pendant que les familles crient leur douleur, que la société civile tente de briser l’indifférence, la mort continue de rôder derrière les barreaux.

Dans la Tunisie post-révolutionnaire, les jeunes ne meurent plus seulement en traversant la Méditerranée. Ils meurent aussi dans le silence étouffant des cellules, abandonnés de tous.

Par Djamal Guettala (Le Matin d’Algérie)
D’après l’enquête d’Inkyfada (21 juillet 2025), avec les témoignages des familles de Hazem Amara, Mohamed Amine Jendoubi et Wassim Jaziri.

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