La justice tunisienne a ordonné la libération de Sonia Dahmani, avocate et militante connue pour son engagement en faveur des harragas algériens détenus en Tunisie et des migrants. Figure centrale de la défense des droits humains, elle avait été placée en détention dans un contexte politique tendu où la liberté d’expression est de plus en plus restreinte.
Une arrestation spectaculaire qui choque l’opinion publique
Le 11 mai 2024, tout bascule. Des policiers cagoulés font irruption dans les locaux de la Maison des avocats à Tunis et embarquent Sonia Dahmani avec violence. La scène, filmée en direct par une équipe de France 24 et rapidement virale sur les réseaux sociaux, provoque une onde de choc en Tunisie et à l’international.
Elle est alors placée en détention à la prison de Manouba, où elle restera incarcérée de longs mois. Les autorités l’accusent de diffuser de « fausses informations ». Le motif ? Un commentaire ironique formulé lors d’une émission télévisée, dans lequel elle critiquait la politique migratoire des autorités tunisiennes.
Fidèle à sa ligne, l’avocate refuse de se rétracter. Dans un message relayé par ses soutiens, elle déclarait :
« Le racisme existe, je n’ai rien inventé. Si je dois aller en prison pour l’avoir dit, qu’il en soit ainsi. »
Cinq poursuites judiciaires, symbole d’une répression croissante
Sonia Dahmani fait l’objet de cinq poursuites judiciaires distinctes.
Trois d’entre elles ont déjà abouti à des condamnations, tandis que deux autres dossiers restent en cours d’instruction. Ces poursuites s’inscrivent dans un contexte de recul inquiétant des droits fondamentaux en Tunisie, depuis l’arrivée au pouvoir du président Kaïs Saïed.
La liberté d’expression est particulièrement visée. Le controversé décret-loi 54, officiellement présenté comme un outil contre la cybercriminalité, est largement utilisé pour museler les voix critiques, journalistes, avocats, militants ou simples internautes. Les ONG dénoncent un climat de peur, d’intimidation et d’arbitraire.
Un engagement salué malgré les pressions
Avant son arrestation, Sonia Dahmani s’était distinguée par son travail auprès :
• des harragas algériens arrêtés en Tunisie,
• des migrants subsahariens, souvent victimes de mauvais traitements,
• et de nombreuses familles laissées sans information après les interpellations.
Sa libération a été accueillie avec soulagement par les défenseurs des droits humains, qui voient dans cette décision une victoire fragile mais essentielle. Beaucoup espèrent qu’elle permettra d’ouvrir un débat national sur les dérives sécuritaires et les besoins urgents de réforme.
Une situation encore préoccupante
Si la remise en liberté de Sonia Dahmani constitue une éclaircie, la situation générale des migrants — notamment les Algériens arrêtés pour tentative de traversée clandestine — demeure critique. Les associations appellent à une meilleure coopération bilatérale entre Tunis et Alger, ainsi qu’à des garanties judiciaires conformes aux standards internationaux.