Riposte Internationale

Retour de la répression en Tunisie (Rapport)

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Ce dossier a été confectionné à partir de travaux des acteurs de la société civile, de la documentation sur les violations des droits humains établie par les ONG qui observent au jour le jour la situation tunisienne, des quelques médias qui jouissent encore d’une certaine liberté ainsi que de témoignages directs recueillis auprès des familles des personnes persécutées et de leurs avocats.

Le présent dossier a pour objectif de décrire de façon synthétique la répression menée sur plusieurs fronts par le président Kaïs Saïed et des services de l’Etat désormais à sa botte

À commencer par un appareil policier protégé par l’immunité que lui assure le chef de l’Etat et par une magistrature soumise qui exécute les décisions présidentielles dans le plus grand mépris du droit. Le but est de broyer toute opposition et de réduire les îlots de résistance à son autoritarisme moyennant l’instauration d’un climat de peur digne de la triste période d’avant la révolution de 2011.

Ce dossier a été confectionné à partir de travaux des acteurs de la société civile, de la documentation sur les violations des droits humains établie par les ONG2 qui observent au jour le jour la situation tunisienne, des quelques médias qui jouissent encore d’une certaine liberté ainsi que de témoignages directs recueillis auprès des familles des personnes persécutées et de leurs avocats. Ces derniers mènent un combat héroïque dans un contexte alimenté par une diabolisation extrême de toute critique ou tout simplement de toute opinion différente de celle que le pouvoir (une dictature en passe de devenir système) veut imposer. Le présent rapport ne prétend pas à l’exhaustivité et ne doit pas nous dispenser de mener un travail plus rigoureux encore pour documenter méthodiquement les violations graves et de toute nature aux fins que celles et ceux qui ont contribué à ces violations un jour aient à en répondre.

Notre objectif est d’informer le plus objectivement possible sur la situation qui prévaut actuellement dans le pays qui, en 2011, a déclenché le «printemps arabe» afin de déconstruire le discours officiel qui veut faire passer son action destructrice et restauratrice d’un ordre autoritaire ancien pour une action rectificative et réparatrice de la prétendue “décennie noire “ de la transition démocratique. Enfin, de rappeler que l’heure de vérité a sonné pour ceux – Etats, organisations ou encore personnes – qui se réclament des droits de l’homme, de la liberté et des valeurs démocratiques, de manifester leur solidarité avec le combat des Tunisiennes et des Tunisiens aux fins de rétablir l’ordre constitutionnel démocratique.

CRLDHT, Paris, 30 juin 2023

Chronologie de la dérive autoritaire

  • 25 juillet 2021 : Kaïs Saïed décrète l’état d’exception (art. 80 de la Constitution du 26 janvier 2014): gel puis dissolution (le 30 mars 2022) du parlement et révocation du gouvernement.
  • 20 août 2021: décret présidentiel n°2021-108 portant cessation des fonctions du secrétaire général de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC). Fermeture par la force publique de ses locaux
  • 22 septembre 2021 : décret n°2021-117 relatif aux mesures exceptionnelles : pouvoir législatif et exécutif entre les mains du chef de l’Etat ; suspension de la Constitution de 2014 sauf dans sa partie droits et libertés ; dissolution de l’instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. •
  • 15 janvier-20 mars 2022 : consultation nationale : participation : 7,6% du corps électoral, dont 69,5% d’hommes et 31,5% de femmes.
  • 12 février 2022 : décret n°2022-11 relatif à la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Création d’un CSM provisoire.
  • 21 avril 2022 : décret-loi n°2022-22 relatif à l’instance électorale dont les membres sont nommés par Kaïs Saïed. L’instance électorale n’est plus indépendante.
  • 19 mai 2022: décret-loi n°2022-30 relatif à la création de l’«Instance nationale consultative pour une nouvelle République » ; exclusion de la société civile et des partis de l’opposition ; refus de participation de la centrale syndicale UGTT, de personnalités publiques, d’un grand nombre de doyens des facultés de droit ;
  • 25 mai 2022 : décret-loi n°2022-32 portant dispositions dérogatoires pour le référendum du 25 juillet 2022.

11 décembre 2021 : Kaïs Saïed annonce « le retour au peuple » par voie de referendum et fixe les dates des futures élections législatives alors que « le peuple » n’a pas encore ni approuvé, ni même pris connaissance de son projet de constitution preuve s’il en est de la vacuité totale de ce referendum et des limites fixées d’entrée de jeu à la souveraineté prétendue du peuple.

• 27 mai 2022 : la Commission de Venise publie un avis urgent pour la Tunisie sur le cadre constitutionnel et législatif concernant le référendum et les élections annoncés par le Président de la République, et notamment sur le décret-loi n° 22 du 21 avril 2022, amendant et complétant la Loi organique sur l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE). L’avis a été demandé par le Service européen d’action extérieure, introduit par l’intermédiaire de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie et a été approuvé par la Commission de Venise lors de sa 131ème session plénière les 17-18 juin 2022.

Extraits des conclusions de l’avis :

« La Commission de Venise réserve expressément sa position sur la compatibilité de l’ensemble des décrets présidentiels et décrets-lois adoptés par le Président de la République à partir du 26 juillet 2021 avec les standards internationaux et avec la Constitution de la Tunisie (en l’absence d’une cour constitutionnelle).

L’objet de cette opinion est d’exprimer un avis sur le décret-loi n° 2022-22 à la lumière de la Constitution, du cadre juridique actuellement en vigueur en Tunisie et des standards internationaux.
La Commission de Venise est parvenue à la conclusion que ce décret-loi n° 2022- 22 n’est compatible ni avec la Constitution, ni avec le décret présidentiel n° 2021-117, ni avec les standards internationaux. Elle est d’avis, par conséquent, que le décret-loi n° 2022-22 devrait être abrogé.

La Commission est d’avis – indépendamment de la question de savoir s’il est légitime de modifier la Constitution en dehors de la procédure prévue par la Constitution qui est toujours, partiellement au moins, en vigueur – qu’il n’est pas réaliste de prévoir d’organiser de manière crédible et légitime un référendum constitutionnel, le 25 juillet 2022, en l’absence – deux mois avant la date prévue pour la consultation – de règles claires et établies bien à l’avance, sur les modalités et les conséquences de la tenue de ce référendum et surtout en l’absence du texte de la nouvelle Constitution qui sera soumis au référendum. La Commission considère qu’avant tout référendum constitutionnel, des élections législatives devraient être organisées au plus tôt, afin de rétablir l’existence du pouvoir parlementaire qui a disparu depuis la suspension puis la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple. Si la loi électorale devait être amendée avant les élections législatives, … une vaste consultation des forces politiques et de la société civile devrait être menée afin de parvenir à un consensus sur les nouvelles règles électorales. Les élections devraient être organisées par l’ISIE dans sa composition antérieure au décret-loi n° 2022-22. »

• 1er juin 2022 : Kaïs Saïed s’arroge le droit de révoquer des magistrats et en congédie 57 juges accusés d’« obstruction aux enquêtes sur des affaires de terrorisme », de « corruption financière » corruption de mœurs » (adultères , participation à des réunions alcoolisées ). Décret-loi n°2022-35. Pour la première fois de l’histoire de la magistrature, la rotation annuelle est bloquée, et ce pour éluder des promotions susceptibles de menacer l’emprise du président sur son CSM provisoire et sur la future Cour constitutionnelle telle qu’il l’a conçue.

  • Début juin 2022, début des travaux de l’ « Instance nationale consultative pour une nouvelle République » ; un projet de constitution est remis le 20 juin 2022 à Kaïs Saïed qui l’ignore totalement et propose, le 30 juin 2022, son propre projet de constitution (modifié substantiellement, le 8 juillet, après le lancement de la campagne référendaire !) pour le soumettre au référendum prévu le 25 juillet 2022.
  • 25 juillet 2022 : référendum orchestré par une instance électorale aux ordres ; avis critique de la Commission de Venise (délais de 25 jours courts) ; boycott de la plupart des partis politiques ; adoptée à 90% (27,5% de participation du corps électoral)
    La nouvelle constitution supprime les dispositions de la Constitution du 26 janvier 2014 portant interdiction de l’immixtion de l’exécutif, de la création de tribunaux d’exception et la promulgation de procédures d’exception portant atteinte aux principes généraux d’un procès équitable ; Elle supprime les garanties et les institutions relatives aux droits de l’homme : aucune référence dans le préambule aux droits de l’homme et à l’égalité hommes-femmes ; suppression du caractère civil de l’Etat ; suppression de la liberté de conscience ; suppression de l’article premier qui figurait dans toutes les constitutions depuis l’indépendance et qui faisait consensus , rajout de l’article 5 : la Tunisie fait partie de la « Oumma islamique » et l’Etat seul est tenu « d’œuvrer, dans un régime démocratique, à la réalisation des vocations de l’islam authentique qui consistent à résident irresponsable en l’absence de tout contrepouvoir.
  • 10 août 2022, le Tribunal administratif saisi suspend pour 49 juges la révocation pour absence de preuves factuelles et légales ; refus d’exécution par le ministre de la Justice; mise sous scellés des bureaux des juges ; harcèlement du président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) Anas Hmaïdi, objet de poursuites disciplinaires et d’une levée de son immunité, poursuites contre des juges dont 13 devant le pôle judiciaire anti- terroriste, le CSM provisoire n’a pas encore décidé de leur levée d’immunité.
  • 13 septembre 2022 : décret-loi n°2022-54 relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication. L’article 24 dispose que quiconque utilise sciemment des systèmes et des réseaux d’information et de communication en vue de produire, de répandre, de diffuser, d’envoyer, ou de rédiger de fausses nouvelles, de fausses données, des rumeurs, des documents faux ou falsifiés ou faussement attribués à autrui, dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préserver la vie, l’honneur, les biens, la religion et la liberté » ; Elle supprime les instances indépendantes, notamment l’instance des droits de l’homme et consacre le principe de la suprématie d’un préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 Dinars (15 000 euros). La peine peut aller jusqu’à 10 ans de prison et 100 000 Dinars « si la personne visée est un agent public ou assimilé ».
  • 15 septembre 2022 : décret-loi n°2022-55 modifiant et complétant la loi organique électorale n°2014-16 du 26 mai 2014 : une loi électorale sur mesure, fin de la parité verticale, modification du découpage électoral, réduction du caractère national du mandat de député, fin du financement public.
  • 22 septembre 2022 ; arrêt n°17/2021 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Extraits : … la Cour rappelle sa conclusion selon laquelle les décrets présidentiels n° 80, 109 et 117 de juin 2021 suspendaient les travaux du Parlement et abrogeaient des chapitres de la Constitution, violant ainsi le droit à ce que sa cause soit entendue et le droit des citoyens tunisiens de participer à la direction des affaires politiques de leur pays, droits consacrés par l’article 7(1)(a), lu conjointement avec les articles 27 et 13(1) respectivement de la Charte. La Cour rappelle en outre que l’État défendeur a en conséquence failli à son obligation découlant de l’article premier de ladite Charte. En conséquence, la Cour ordonne à l’État défendeur d’abroger les décrets présidentiels à titre de mesure de restitution… La Cour réitère également que le fait de n’avoir pas mis en place la Cour constitutionnelle crée un vide juridique important et ordonne à l’État défendeur de mettre en place la Cour constitutionnelle comme organe judiciaire d’équilibre des institutions de l’État défendeur. En conséquence, la Cour ordonne à l’État défendeur, à titre de garantie de non-répétition des violations, de rendre opérationnelle une Cour constitutionnelle en tant qu’organe judiciaire indépendant qui contribue à l’équilibre et à la stabilité de son système judiciaire. La Cour …ordonne à l’État défendeur d’abroger les Décrets présidentiels n° 2021-117 du 22 septembre 2021 et les décrets y visés n° : 69, 80, 109 du 26, 29 juillet et 24 août 2021 et les décrets n° 137 et 138 du 11 octobre 2021 et de rétablir la démocratie constitutionnelle dans un délai de deux (2) ans à compter de la date de notification du présent Arrêt… ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires à l’opérationnalisation de la Cour constitutionnelle et à la levée de tous les obstacles juridiques et politiques qui entravent cet objectif, dans un délai de deux (2) ans à compter de la date de notification du présent Arrêt.
  • Elections de la première chambre, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) : 1e retour le 17 décembre 2022 ; 2ème tour le 29 janvier 2023 : boycott des principaux partis politiques ; taux d’abstention record avec 11% de participation du corps électoral (révisé à la hausse au regard de l’annonce faite des 8,8% par l’instance électorale à la fermeture des bureaux de vote).

Election de la seconde chambre : le Conseil des régions et des districts ; changement de mode de scrutin, date non fixée.

• 8 mars 2023: décret-loi n°2023-9 portant dissolution des conseils municipaux. Remplacement par des délégations spéciales nommées par le gouvernement. Absence de fixation de la date des nouvelles élections.

Le cadre juridique des atteintes aux libertés

  • –  Décret n° 78-50 du 26 janvier 1978 sur l’état d’urgence : prorogé régulièrement qui donne des pouvoirs étendus au ministre de l’Intérieur pour perquisitionner les domiciles de jour comme de nuit et pour assigner à résidence.
  • –  Décret-loi 2022 54 en date du 13 septembre 2022 relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication et à la propagation de « fausses nouvelles »
  • Le « Complot des opposants » : une affaire cousue de fil blanc
  • Cible : des personnalités de différents horizons politiques désireuses à travers le dialogue de trouver une sortie de crise, pacifique et démocratique et s’opposant à l’instauration d’une nouvelle dictature en Tunisie
  • a- Les personnes en détention
  • Khayem Turki, arrêté le 11 février 2023 à son domicile de Sidi Bou Saïd. La descente de la police a été effectuée sans autorisation judiciaire (mais sur la base d’une autorisation administrative du ministère de l’Intérieur). La perquisition a été exécutée chiens à l’appui sans informer sa famille du motif de son arrestation. Un mandat de dépôt a été émis à son encontre dans la nuit du vendredi 24 février 2023 par le juge d’instruction auprès du pôle antiterroriste.
  • Le 17 juin 2023, le porte-parole du Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme a annoncé la décision prise par le juge d’instruction du bureau 36 chargé des affaires de complot contre la sûreté de l’Etat d’interdire toute information, débat ou traitement concernant lesdites affaires prétextant de la garantie du bon déroulement de l’enquête, de la confidentialité de l’instruction et de la protection des personnes concernées.

Une régression de la représentation des femmes au Parlement (16.2%) due notamment à la modification du mode de scrutin

Instrumentalisation de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent : garde à vue de 15 jours ; présence d’avocat au bout de 48h, détention provisoire jusqu’à 14 mois, protection des « informateurs »

Le Code pénal : les articles relatifs à la sureté de l’Etat et à l’atteinte à un fonctionnaire public.

Sa demande de libération a été rejetée.

Khayem Turki est un activiste indépendant qui a été dirigeant du Forum tunisien pour le travail et les libertés (FTDL- Ettakatol) de 2011 à 2015. Agé de 57 ans, il est marié et père de trois enfants. Il est diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Carthage, de Paris et de l’école américaine du Caire. Il a écrit deux ouvrages dont le plus récent, en cours de publication et dédié à sa mère Elodia, son père Brahim de même qu’à son épouse Khadija et à ses enfants Aswan, Hela et Meryem a pour titre La vague et le rocher.

Kamel Letaief, arrêté le 11 février 2023 à son domicile de Sidi Bou Saïd. Un mandat de dépôt a été émis à son encontre, le 25 février 2023 par le juge d’instruction près du pôle judiciaire antiterroriste. Kamel Letaief a 67 ans et marié et père de deux enfants. Homme d’affaires et lobbyste indépendant, il entretient des relations avec les milieux politiques et médiatiques. Il est connu pour son opposition à l’islamisme politique.

Abdelhamid Jelassi, arrêté le 11 février 2023 à son domicile et mis au dépôt le 25 février 2023 par le juge d’instruction près du pôle judiciaire antiterroriste. Abdelhamid Jelassi est un activiste politique indépendant. Opposant sous Bourguiba puis sous Ben Ali, il a milité pendant quarante ans au sein du mouvement islamiste et a été condamné à 16 ans de prison, ce qui lui occasionné de graves problèmes de santé. Il a assumé des responsabilités au sein du parti islamiste Ennahdha avant d’en démissionner le 4 mars 2020. A. Jelassi a 63 ans, il est marié et père d’une fille. Il est diplômé de l’Ecole d’ingénieurs de Gabès.

Lazhar Akermi, arrêté le 13 février 2023 à son domicile. Un mandat de dépôt a été émis à son encontre par le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, le 27 février 2023. Les procédures de son audition n’ont pas été respectées : convoqué pour investigation au pôle anti-terrorisme pour le lendemain, il est arrêté et conduit au centre de détention de Bouchoucha (banlieue de Tunis). L. Akremi a 64 ans, marié et père de trois enfants. Il a été député, ancien ministre (1er juillet -24 juillet 2011 ; 21juin 2019 -24 février 2020). Son épouse fait aussi l’objet de poursuites. Sa demande de libération a été rejetée pour la seconde fois, le 22 juin 2023. Il est maintenu en détention en l’absence de tout nouveau mandat de dépôt.

Issam Chebbi, arrêté le 22 février 2023 à son domicile. Un mandat de dépôt a été émis contre lui, le 25 février 2023, par le juge d’instruction auprès du pôle antiterroriste. La demande de sa libération déposée par son comité de défense a été rejetée. I. Chebbi est le secrétaire général du parti d’opposition Al Joumhouri (Le Républicain). Agé de 65 ans, il est marié et père de deux enfants. Il a siégé au sein de l’Assemblée nationale constituante (2011-2014).

Cheima Issa, arrêtée le 22 février 2023. Un mandat de dépôt a été émis à son encontre par le juge d’instruction auprès du pôle antiterroriste, le 25 février 2023. Elle est détenue à la prison des femmes de Manouba (proche de Tunis). Cheima Issa est une activiste politique indépendante et la première femme prisonnière politique dans la Tunisie de l’après-révolution. Elle fait partie du « Front du Salut » qui regroupe des partis politiques tels que Ennahdha, Itilef Al Karama, Qalb tounes ainsi que des personnalités indépendantes. C. Aïssa est l’une des figures marquantes du collectif « Citoyens contre le coup d’état » constitué au lendemain du coup de force de K. Saïed, le 25 juillet 2021.

Sa demande de libération déposée par son comité de défense a été rejetée. C. Issa est la fille du peintre et ancien prisonnier politique, Aïssa Ibrahim. Elle a étudié les beaux-arts à Tunis et à Rome puis la théologie à l’université de Zeitouna à Tunis et à l’université de Paris. Elle a un fils, Jazza. Le juge d’instruction a accédé, le 23 juin 2023, à la demande de libération présentée par ses avocats. Le ministère public a fait appel de cette décision avec un effet suspensif. La Chambre d’accusation a été saisie par la défense.

Jaouhar Ben Mbarek, arrêté dans la nuit du jeudi au vendredi 23 février 2023, un mandat de dépôt a été émis à son encontre le 25 février 2023 par le juge d’instruction auprès du pôle antiterroriste. Jaouhar Mbarek est un activiste politique indépendant. Il fait partie du « Front du Salut » ; il est l’une des figures marquantes du collectif « Citoyens contre le coup d’état ». La demande de sa libération déposée par son comité de défense a été rejetée. Jaouhar Ben Mbarek a 55 ans. Il est professeur de droit constitutionnel.

Ghazi Chaouachi, arrêté le 25 février 2023 lors d’une descente de police à 2h30 du matin. Avocat, il est membre du comité de défense de l’activiste politique Khayem Turki et ancien secrétaire général d’Attayar El Démocrati (Courant démocratique), opposition. Il est important de noter que Ghazi Chaouachi fait l’objet de poursuites en vertu du décret 2022-54. Il a été convoqué, le 20 février 2023, devant le juge d’instruction dans le cadre d’une investigation commencée le 28 novembre 2022 par le Tribunal de première instance (TPI) de Tunis à la suite d’une plainte déposée par Leila Jaffel, ministre de la Justice avec la bénédiction de l’autorité en place grâce à un courrier en date du 22 novembre 2022 « d’extrême urgence » et « secret » envoyé au procureur de la République près le TPI de Tunis. Les faits qui lui sont reprochés sont relatifs à une déclaration qu’il a faite dans les médias en novembre 2022.

Le harcèlement de Ghazi Chaouachi a commencé en octobre 2021 avec le montage de toutes pièces d’un dossier relatif à des terres appartenant aux domaines de l’Etat lesquelles auraient été cédées à bas prix en échange de pot-de-vin lorsqu’il était ministre des Domaines de l’Etat. Les attaques contre G. Chaouachi ont été déclenchées, lorsqu’en février 2022, il a demandé publiquement au président de la République de renoncer à son immunité pour pouvoir engager des poursuites contre lui . Une autre plainte d’« attribution d’activités légales à un fonctionnaire et de publication de fausses nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public et de perturber le travail du gouvernement » a été déposée en mai 2022 contre lui par le ministre de la Justice. Ghazi Chaouachi a 60 ans, il est marié et père de trois enfants. Ancien député et ancien ministre (15 juillet- 2 septembre 2020).

Son fils, Elyes Chaouachi, a reçu une convocation de la brigade de lutte contre la cybercriminalité de la Gendarmerie nationale, le 9 juin 2023, deux jours après avoir dénoncé les conditions de détention de son père. Risquant une peine de trois ans de prison ferme, il s’est vu contraint de ne pas rentrer en Tunisie .

Ridha Belhaj, arrêté dans la soirée du vendredi du 25 février 2023, un mandat de dépôt a été émis à son encontre le même jour par le juge d’instruction auprès du pôle antiterroriste. Avocat, membre du comité de défense de l’activiste politique Khayem Turki. Ministre délégué auprès du Premier ministre au sein du gouvernement de Béji Caïd Essebsi en 2011, il devient chef du cabinet du Président Béji Caïd Essebsi (BCE) en 2015. Il est l’un des fondateurs du parti Nidaa Tounes et fut un proche de BCE. Ridha Belhaj a 61 ans, est marié et père de deux enfants.

b- Autres personnes citées

Moncef Ben Attia, arrêté le 11 février 2023 à son domicile qui a été perquisitionné et des biens électroniques saisis. Agé de 80 ans, il est ancien diplomate à la retraite et n’a aucune activité politique. Menotté pendant 28 heures dans des conditions dégradantes eu égard à son âge et à son état de santé, son arrestation a été motivée par une photo (Photoshop) qu’il aurait eu dans un café avec Khayem Turki ; lors de son interrogatoire devant le juge, la photo a disparu alors que les avocats voulaient la faire expertiser. Les comptes de Moncef Attia ont été gelés et il a été remis en liberté.

Noureddine Boutar, directeur de la radio Mosaïque FM (voir ci-dessous)

Mohamed Ben Dhaou, Ahmed Doulah, Karim Guellati, Ali Hlioui, Bernard Henry Levy, Rafik

Chaabouni, Najla Latif.

Bochra Bel Haj Hamida, avocate, militante féministe, ancienne députée. Elle est une figure du combat de la société civile démocratique. Elle représente tout ce que K. Saïed et ses partisans exècrent. Elle a présidé la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) qui a rendu en 2017 un rapport remarqué qui constitue un véritable programme de réformes démocratiques pour la Tunisie.

Ayachi Hammami, avocat, porte-parole du Comité de défense des magistrats révoqués et membre de plusieurs collectifs de défense des détenus politiques et d’opinion. A. Hammami a consacré sa vie à organiser la résistance civile aux dictatures successives. Il continue, fidèle à ses engagements, de mener ce combat. Il préside le Comité national pour la défense des libertés démocratiques. A. Hammami a été ministre dans le gouvernement (27 février – 2 septembre 2020).

Ahmed Nejib Chebbi, avocat, président du Front du salut qui regroupe plusieurs formations politiques dont le parti islamiste Ennahdha ainsi que des personnalités indépendantes tels que Cheima Aïssa, Jawahar Ben Mbarek et Ridha Belhaj, tous trois en détention depuis plusieurs mois. Le long parcours de lutte pacifique pour les libertés de N. Chebbi de l’ère Bourguiba à nos jours en passant par la période de Ben Ali parle pour lui à l’opposé du silence sidéral sinon complaisant du passé de Kaïs Saïed. N. Chebbi fut également un constituant de 2014 et ancien ministre (17 janvier – 7 mars 2011). Il a comparu devant le juge d’instruction du pôle antiterroriste le 16 juin 2023. Il est soupçonné d’avoir eu des contacts avec des diplomates dans l’intention de porter « atteinte à la sécurité extérieure de l’Etat ».

Noureddine Bhiri, avocat, vice-président du parti Ennahdha (voir ci-dessous)

Ces quatre avocats sont l’objet d’une enquête judiciaire portée à la connaissance de la section régionale de Tunis de l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT). Le juge d’instruction veut les entendre dans le cadre de l’affaire du prétendu complot contre la sûreté de l’Etat.

Kamel Guizani, 55 ans, ancien ambassadeur au Bahreïn (2019-2022), ancien directeur général des services spéciaux, ex-directeur des investigations, ancien attaché sécuritaire à l’ambassade de Tunisie en Allemagne, l’un des éléments-clés du coup de force du 25 juillet 2021 avec Nadia Akacha, ancienne cheffe du cabinet de Kaïs Saïed.

Mustapha Kamel Nabli : 75 ans, ancien candidat à la présidence de la République, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), ancien vice-président de la Banque mondiale. Indépendant, sans activité politique connue durant ces cinq dernières années.

Kamel Akrout : 67 ans, ancien Premier conseiller de la sécurité nationale auprès du président de la République BC. Essebsi ancien Directeur général de la sécurité militaire, ancien amiral dans l’armée tunisienne, ancien attaché militaire au sein de l’ambassade de Tunisie à Abu Dhabi.

Ridha Charfeddine, 71 ans, pharmacien, propriétaire d’un des plus grands laboratoires pharmaceutiques en Tunisie (UNIMED) et ancien président d’une des équipes importantes sportives (L’Etoile sportive tunisienne), élu deux fois député (2014-2019 et 2019-2021).

Kamel Jendoubi, 70 ans, premier président de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) (2011-2014), ancien ministre (6 février 2015-27 août 2016) et militant des droits de l’homme.

Mohamed Hamdi, 52 ans, ex-ministre de l’Education nationale (27 février- 2 septembre 2020), ancien député constituant, ancien vice-secrétaire général du parti Attayar addimocrati (Courant démocratique). Activiste politique indépendant.

Mustapha Ben Ahmed : 69 ans, ancien secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), deux fois député (2014-2019 et 2019-2021), retraité de la Régie nationale des tabacs et des allumettes de Tunisie.

Tawfiq Bououn, 58 ans, attaché à la Banque centrale de Tunisie au sein de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF) ; ancien inspecteur général de la police (DG de l’inspection) au sein du ministère de l’Intérieur, ex-conseiller au sein du ministère des Relations avec la société civile.

Abdelkarim Zbidi, 73 ans, ancien candidat à la présidence de la République (2019), ex-ministre de la Défense (2017-2019 ; 2011-2013), médecin et ancien directeur général du rectorat de Sousse, sans activité politique depuis 2019.

Raouf Khalfallah, 57 ans, journaliste et propriétaire du journal en ligne khabar online, connu pour être proche des milieux sécuritaires et de Youssef Chahed, ancien premier ministre.

Anis Magadi, 37 ans, agent de police dans les services de renseignements de la sécurité présidentielle. Des soupçons pèsent sur lui pour avoir infiltré les milieux politiques et médiatiques.

Slim Jebali, 45 ans, blogueur, en détention dans l’affaire « Instalingo ».

Rabeb Sebai, 27 ans, blogueuse, considérée comme témoin dans l’affaire Instalingo, connue pour être proche des milieux sécuritaires, de Youssef Chahed et de Kamel Guizani (voir ci- dessus).

Kawther Daassi : 35 ans, blogueuse, connue pour être proche de l’homme d’affaires en détention Chafik Jarraya, vit aux USA depuis 2020.

Nadia Akacha : 41 ans, ancienne cheffe du cabinet présidentiel, conseillère juridique au sein du cabinet et ex-enseignante au sein de l’Université internationale de Tunis.

Noureddine Ben Ticha : 49 ans, ancien premier conseiller politique du président BC. Essebsi, ancien analyste politique au sein de la radio Mosaïque FM, ancien dirigeant d’un journal en ligne (Aljarida) et du syndicat étudiant (UGET), ancien prisonnier politique.

Ridha Driss, conseiller politique de Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha.
Riadh Chaïbi : 51 ans, membre du bureau exécutif du parti Ennahdha, conseiller de Rached Ghannouchi.
Mohamed Bedoui, responsable régional du parti Ennahdha (Cité Ettadhamoun).

Kamel Bedoui, proche du parti Ennahdha (frère de Mohamed Bedoui), ancien conseiller du ministère de l’Intérieur.

c- Les chefs d’accusation : un montage grossier

Les motifs d’inculpation apparaissent totalement démesurés voire extravagants, à savoir :

– avoir créé une organisation et une alliance terroriste liée aux crimes terroristes et avoir l’intention de commettre un crime préparatoire de meurtre d’une personne, à causer des blessures et des coups, et autres types de violence, à utiliser le territoire de la République et le territoire d’un État étranger pour recruter et former une personne et/ou un groupe de personnes dans le but de commettre un crime terroriste à l’intérieur et à l’extérieur du territoire de la République, à nuire à la sécurité alimentaire et environnementale qui perturbe l’équilibre des systèmes alimentaires et environnementaux ou des ressources naturelles ou met en danger la vie ou la santé des résidents, inciter par tous les moyens à le faire et fournir par tous les moyens des armes, des explosifs et des munitions, et dissimuler ou faciliter la dissimulation de la source réelle des biens meubles ou immeubles ou des revenus ou des bénéfices pour des personnes physiques ou morales, quelle que soit leur forme, ou accepter des dépôts sous un prête nom ou les intégrer en sachant que leur but est de financer des personnes ou des organisations ou des activités liées aux crimes terroristes, indépendamment de la légalité ou non de la source de ces fonds tel que le blanchiment d’argent en bande organisée en exploitant les facilités accordées par les caractéristiques de l’activité professionnelle liée aux crimes terroristes mentionnés et créer et fournir et diffuser des informations directement et indirectement et par tous les moyens, au profit de l’organisation et de l’alliance terroriste et au profit des personnes liées aux crimes terroristes dans le but d’aider à les commettre et à les dissimuler et à en bénéficier et à ne pas punir les auteurs et à ne pas informer l’autorité compétente immédiatement lorsqu’il est possible d’examiner des actes et des informations ou des conseils sur le fait ou la possibilité de commettre un crime terroriste au sein de la nation et la création d’une bande dans le but d’attaquer les biens et les personnes et de conspirer contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État et créer une conspiration dans le but de commettre des attaques contre la sécurité intérieure de l’État et des attaques visant à changer la structure de l’État et d’établir des communications avec les agents d’un État étranger dans le but de nuire à la situation de la Tunisie sur le plan diplomatique et de commettre des actes criminels contre le chef de l’État ainsi que d’y participer et ce, sur la base des articles 1, 3, 5, 10, 13, 14, 31, 35, 37, 40, 92, 94, 95, 96 et 97 et de la Loi fondamentale n° 26 de 2015 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et la prévention du blanchiment d’argent telle que modifiée et complétée par la Loi fondamentale n° 26 de 2019 en date du 23 janvier 2019 et des articles 32, 61bis,62,67,68,69,70,72,131 et 132 du Code pénal. Crimes passibles plusieurs fois de la peine de mort.

d- Autres affaires

Ahmed Nejib Chebbi est poursuivi avec Ridha Belhaj, membres du Front de Salut national ainsi que Moncef Marzouki, ancien président de la République à la suite d’une plainte déposée par Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (nostalgique de Ben Ali) pour avoir « hébergé et financé le terrorisme et avoir entretenu une association non autorisée impliquant dans ses rangs des personnes et parties liées aux crimes terroristes, mise en place d’un lieu de rencontre à la disposition de cette organisation et collecte de dons à son profit, conformément à la loi organique n°26 de 2015 du 7 août 2015 liée à la lutte contre le terrorisme et à la prévention du blanchiment d’argent. « 

Moncef Marzouki, ancien président de la République tunisienne (13 décembre 2011- 31 décembre 2014), a été condamné par contumace, le 22 décembre 2022, à quatre ans de prison ferme. Cette condamnation intervient à l’issue d’un mandat d’amener international émis à son encontre pour avoir tenu le 4 novembre 2022, lors d’une émission des propos « allant à l’encontre de la sûreté de l’Etat et nuisant aux intérêts de la Tunisie à l’étranger ».

Boutheina Lekhlifi, Wissam Sghaier et Oussama Ghoulem, trois activistes ont été arrêtés, le 27 février 2023, pour avoir fait un tag appelant à la libération d’Issam Chebbi, secrétaire général du Parti républicain. Ecroués et en garde à vue durant 48 h, le 1er mars 2023, le ministère public du TPI de l’Ariana décide de les déférer devant la Chambre pénale tout en les laissant en liberté.

Walid Jallad, arrêté, le 14 février 2023, sur la base d’un mandat de dépôt émis par le ministère public au Tribunal de première instance de Tunis. Ancien député et activiste politique, Il est accusé de corruption, de malversations financières concernant le club de football de Soliman (Cap Bon) et, selon son avocat, visé pour ses relations avec un certain nombre de personnalités politiques connues, ainsi que pour ses activités partisanes.

La direction du parti islamiste Ennahdha décapitée

Noureddine Bhiri, vice-président du parti Ennahdha. Arrêté une première fois le 31 décembre 2021, mis en résidence surveillée puis hospitalisé, il est libéré le 7 mars 2022. Aucune charge n’est finalement retenue contre lui. Le 13 février 2023, il est blessé lors d’une nouvelle interpellation, emmené à la caserne de Bouchoucha et laissé sans soin, suite à quoi il entame une grève de la faim, le 22 février 2023. Il est accusé de falsification de jugement et des documents officiels. N. Bhiri est un constituant de 2014 et ancien ministre de la Justice (24 décembre 2011- 13 mars 2013). Il est marié et père de quatre enfants.

Mohamed Ben Salem, arrêté le 8 mars 2023. Ancien député, ancien ministre de l’Agriculture (13 mars 2011-29 janvier 2014) et dirigeant du parti Ennahdha jusqu’à l’annonce, le 21 septembre 2021, d’une démission collective signée où il figure. Interrogé pendant cinq heures alors qu’il est hospitalisé, il est accusé de constitution d’une entente en vue de franchir illégalement les frontières, détention de devises ayant une origine non identifiée et non conforme à la loi des changes. Mohamed Ben Salem a 69 ans, il est marié et père de deux enfants. Sont impliqués dans la même affaire, Ahmed Laamari, ancien député et dirigeant du parti Ennahdha, arrêté le 4 mars 2023, Ali Allafi, activiste politique membre du parti Ennahdha, ancien cadre du ministère des Affaires religieuses soupçonné d’avoir dévoilé l’identité d’un « agent infiltré » lors d’un documentaire de la chaine Al Jazeera, et un officier des douanes, tous les trois écroués depuis le 8 mars 2023.

Saïed Ferjani, dirigeant du parti Ennahdha, il est accusé dans l’affaire « Instalingo » et arrêté le 27 février 2023. Selon son

Ali Laârayedh, ancien député, ancien ministre de l’Intérieur (24 décembre 2011-13 mars 2013), ancien chef du gouvernement (13 mars 2013-29 janvier 2014) et dirigeant du parti Ennahdha, il est accusé d’« embrigadement des jeunes jihadistes en vue de les envoyer dans les zones de tension ». Le juge d’instruction du Bureau 12 du pôle antiterroriste a émis un mandat de dépôt contre lui, le 20 décembre 2022, après l’avoir interrogé durant 12 heures. Ali Laârayedh a 67 ans, marié et père de trois enfants.

Abdelkrim Ben Slimane, arrêté le 31 décembre 2022 par l’unité nationale d’investigation sur les crimes financiers complexes. Il est accusé dans trois affaires connues respectivement sous le nom de dossier « Instalingo », dossier de l’association Namaa et dossier de l’envoi des jeunes jihadistes dans les zones de conflits.

Habib Ellouz, son arrestation, le 2 mars 2023, a été effectuée par une brigade spéciale de la police judiciaire d’El Gorjani, sur ordre du ministère public près le TPI de Tunis. Il est accusé d’embrigadement et d’envoi des jeunes jihadistes aux zones de tension. Agé de 69 ans, marié et père de six enfants, il est l’un des fondateurs du courant islamique et du mouvement Ennahda qu’il a présidé en 1991. Elu à l’Assemblée Constituante après la révolution de 2011, il s’est engagé dans la société civile caritative. Incarcéré puis transporté à l’hôpital en raison de son état de santé.

Riadh Ben Taieb, ancien ministre (24 décembre 2011-13 mars 2013), il a été arrêté, le 23 février 2023, à l’aéroport de Tunis Carthage après confiscation de son passeport. Retenu en zone internationale après avoir franchi les contrôles douaniers, il n’était l’objet ni d’une interdiction de voyager, ni d’une enquête judiciaire, ni d’un mandat d’arrêt. Reconduit au centre d’interrogatoire, ce n’est qu’après plusieurs heures, qu’un dossier a été ouvert. Aucune procédure n’a été respectée. Le dossier est vide et dépourvu de toute base légale. Il a 61 ans, marié et père de deux enfants.

Fawzi Kamoun, ancien directeur du cabinet de Rached Ghannouchi ; arrêté le 16 février 2023 sur fond de suspicion de blanchiment d’argent. Le

Mohamed Frikha, homme d’affaire, ancien député apparenté Ennahdha, Ridha Jaouadi, ancien député Itilef Al Karama et Bechir Belhassen, prédicateur sont poursuivis dans l’affaire relative à « l’embrigadement et envoi des jeunes aux zones de tension ».

Sahbi Atig, arrêté le 6 mai 2023, il est accusé de corruption et de blanchiment d’argent par un jeune homme ayant des antécédents judiciaires et emprisonné dans une autre affaire. S.Atig a décidé d’entamer une grève de la faim pour protester contre « une affaire montée de toutes pièces basée sur des déclarations mensongères ». Hospitalisé à deux reprises, son état de santé est jugé très inquiétant. Constituant de 2014 et ancien député, il est dirigeant du parti islamiste Ennahdha, condamné à la prison à perpétuité sous le régime de Ben Ali et libéré en 2007. Il a 61 ans, est marié et père de tris enfants. Son téléphone portable saisi par la police a été activé récemment sur l’application Viber à son insu.

Ahmed Mechergui, 54 ans, ancien député, ancien chef de cabinet du parti Ennahda, arrêté le 19 avril 2023.

Ahmed Mechergui, 54 ans, ancien député, ancien chef de cabinet du parti Ennahda, arrêté le 19 avril 2023.

Ahmed Mechergui, 54 ans, ancien député, ancien chef de cabinet du parti Ennahda, arrêté le 19 avril 2023.

Ahmed Mechergui, 54 ans, ancien député, ancien chef de cabinet du parti Ennahda, arrêté le 19 avril 2023. Tous deux ont entamé une grève de la faim depuis le 11 juin 2023 pour protester contre les conditions de détention et contre le non-respect de ses droits fondamentaux n’ayant pas été interrogé depuis la date d’émission du mandat de dépôt par le juge d’instruction du 33e bureau du Tribunal de première instance de Tunis.

Saïda Ounissi, élues députée Ennahdha à l’ARP, ex-ministre (14 novembre 2018- 8 novembre 2019) ; Empêchée de quitter le territoire, le 16 juin 2022, elle a ensuite été autorisée à partir, une fois munie de documents d’identité ne mentionnant plus sa qualité d’ex-députée.

Jamila Ksiksi, élue députée Ennahdha à l’ex ARP : empêchée de quitter le territoire, le 16 juillet 2022, probablement visée par l’affaire des 116 députés qui ont pris part à la réunion plénière par internet de l’ARP du 30 mars 2022. Décédée le 19 décembre 2022.

Saïda Ounissi, élues députée Ennahdha à l’ARP, ex-ministre (14 novembre 2018- 8 novembre 2019) ; Empêchée de quitter le territoire, le 16 juin 2022, elle a ensuite été autorisée à partir, une fois munie de documents d’identité ne mentionnant plus sa qualité d’ex-députée.

Jamila Ksiksi, élue députée Ennahdha à l’ex ARP : empêchée de quitter le territoire, le 16 juillet 2022, probablement visée par l’affaire des 116 députés qui ont pris part à la réunion plénière par internet de l’ARP du 30 mars 2022. Décédée le 19 décembre 2022.

Noureddine El Khademi, dirigeant du parti d’Ennahdha et ancien ministre des Affaires religieuses (24 décembre 2011- 29 janvier 2014). Empêché de quitter le territoire huit fois, il a entamé un sit-in à l’aéroport de Tunis-Carthage fin août 2022. Il a pu voyager le 23 septembre 2022.

Mohamed Saleh Bouallagui, secrétaire général de parti Ennahdha, région de Béja (nord du pays), interpellé, le 10 mars 2023, pour complot contre la sécurité de l’Etat. Des mandats de dépôt ont été émis, le 24 mars 2023, contre lui ainsi qu’un autre membre du bureau régional du parti et un syndicaliste.

Mohamed Chniba, responsable des jeunes dans le parti Ennahdha, Mohamed Goumani, dirigeant d’Ennahdha, Belgacem Hassan, cadre du parti Ennahdha, arrêtés le 17 avril 2023, puis remis en liberté

Youssef Nouri, membre du bureau politique d’Ennahdha, arrêté le 20 avril 2023.
Sadok Chourou, dirigeant d’Ennahdha, interpellé le 19 mai 2023 puis libéré pour raisons de santé.

Rached Ghannouchi

Rached Ghannouchi est président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) élue en 2019 et président du parti islamiste Ennahdha depuis 1991. Il a été arrêté, le 17 avril 2023, à son domicile par une centaine d’agents en civil, dix minutes avant la rupture du jeûne du mois de Ramadan. Domicile perquisitionné, documents personnels, appareils électroniques et journal personnel saisis par la police, M. Ghannouchi a été emmené dans un lieu tenu secret et s’est vu refuser l’accès à un avocat pendant 48 heures. Il a, pendant neuf heures, été interrogé pour des « déclarations appelant à la guerre civile » qu’il aurait faites lors d’une manifestation publique au siège du Front de Salut National. Le juge d’instruction ordonne sa mise en détention provisoire le 19 avril 2023. R. Ghannouchi a 81 ans, marié, père de deux garçons et de quatre filles. Il est poursuivi pour plusieurs affaires et a été entendu seize fois depuis mars 2022 par le juge d’instruction.

– Affaire relative à la session plénière de l’ARP, R. Ghannouchi est interrogé pendant trois heures, le 31 mars 2022. La veille, le Parlement tunisien s’était réuni lors d’une session en ligne (que les autorités avaient tenté d’empêcher en perturbant la réception des plateformes en ligne) : 116 députés de différents partis et groupes (sur les 217 que comptaient l’ARP soit la majorité absolue) ont voté à l’unanimité l’abrogation des décrets présidentiels et la fin des mesures exceptionnelles décrétées par K. Saïed. En réaction, celui-ci a publié un décret révoquant l’ARP, bien que l’article 80 de la Constitution stipule que le Parlement doit être en session et ne peut être dissous (et que K. Saïed lui-même a déclaré deux jours auparavant qu’il ne lui était légalement pas possible de le faire). Il a ensuite ordonné au ministère de la Justice de faire arrêter les députés et de les accuser de tentative de coup d’État. L’unité antiterroriste a convoqué R. Ghannouchi ainsi qu’un certain nombre d’autres députés pour sédition, une infraction passible de la peine de mort. Le juge a décidé de ne pas engager de poursuites. L’audition était prévue le 5 avril 2022, mais a été reportée par le procureur de Tunis à une date non précisée. Le procureur n’ayant pas obéi à l’ordre d’arrêter R. Ghannouchi et les autres députés, il a été révoqué de ses fonctions par le président, ainsi que son adjoint et 55 autres juges et procureurs, le 1er juin 2022.

  • –  Affaire « Association Namaa« –Le procureur accuse l’association Namaa d’être une façade du parti Ennahdha, de blanchiment d’argent et de financement étranger. Cette association est spécialisée dans l’action caritative et dirigée par l’un des gendres de Hammadi Jebali, ancien chef de gouvernement (2012-2013). Les comptes des personnes suivantes ont été gelés : Rached Ghannouchi, son fils Mouadh Khriji, son gendre Rafik Abdessalem (ancien ministre des Affaires étrangères), Hamadi Jebali, ses filles Safa Jebali, et Soumaya Jebali, Najeh El Haj Letaief, Abdelkrim Slimane, Mohamed Hachfi, Rafik Amara. Le Pôle judiciaire du terrorisme a interrogé R. Ghannouchi, le 19 juillet 2022, pendant 12 heures. Aucune preuve n’a été présentée pour étayer ces accusations. Le juge a décidé de ne pas engager de poursuites.
  • –  Affaire ‘Taghout’(tyran) – R. Ghannouchi est poursuivi par l’un des syndicats de la sécurité intérieure qui l’accuse d’avoir fait des déclarations lors d’un enterrement d’un membre d’Ennahdha en 2022 attaquant les forces de sécurité et les qualifiant d’apostats. Il aurait déclaré que le défunt « ne craignait aucun dirigeant ou tyran, il ne craignait que Dieu ». Interrogé pendant plusieurs heures, R. Ghannouchi a décidé de refuser d’assister à l’audience et de boycotter les interrogatoires à venir. Le 15 mai 2023, le Tribunal de première instance de Tunis 1 le condamne par contumace en l’absence de ses avocats, pour « apologie de terrorisme », à une peine d’un an de prison ferme, à une amende de 1000 TND et à 3 ans de contrôle administratif ; n’ayant même pas été informés de l’audience, les avocats de la défense n’ont pas été autorisés à présenter leurs arguments et ont appris le verdict à leur arrivée au tribunal.
  • Affaire ‘Tasfir’(envoi des jeunes jihadistes tunisiens dans les zones de tension) – R. Ghannouchi a été convoqué à Bouchoucha, le 19 septembre 2022, à ce sujet. Il a attendu 14 heures pour apprendre que l’interrogatoire aura lieu le lendemain. Ses avocats considèrent le refus de le laisser rentrer chez lui et de le faire attendre plus de 14 heures constituent une forme de mauvais traitements physiques et psychologiques pouvant s’apparenter à la torture. Ces mauvais traitements ne tiennent pas compte de son âge (81 ans) et du fait qu’il placé sous surveillance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le 20 septembre 2022, R. Ghannouchi se rend à nouveau à la base de Bouchoucha vers 17h00. Il ne sera autorisé à partir que le lendemain matin avec l’ordre de se présenter devant le juge d’instruction du pôle antiterroriste à 9h00.Entendu pendant 12 heures, le 28 novembre 2022, par le Pôle judiciaire du terrorisme, il est accusé d’implication dans la facilitation d’envoi de djihadistes tunisiens.
  • –  Affaire ‘Instalingo’ – Il s’agit d’une société de médias qui gère des pages et produit du contenu pour des médias sociaux. Ses dirigeants sont accusés de complot contre la sécurité de l’État. L’affaire avait débuté en 2020 et aucune référence n’avait été faite à l’encontre de R. Ghannouchi ou du parti Ennahdha. Après le coup de force du 25 juillet 2021, un procureur de la région de Sousse a ouvert une nouvelle procédure à l’encontre de cette société, avec les mêmes chefs d’accusation, mais en y ajoutant cette fois-ci R. Ghannouchi et un certain nombre d’hommes politiques et d’hommes d’affaires qui ont critiqué ou se sont opposés aux décisions de K. Saïed après le 25 juillet. En Tunisie (comme dans de nombreux pays), les procureurs ne peuvent pas ouvrir un nouveau dossier sur une question qui fait déjà l’objet d’une enquête. La nouvelle affaire visait clairement R. Ghannouchi et le parti Ennahdha. Le 11 novembre 2022, le juge d’instruction du Tribunal de première instance de Sousse 2, l’interroge pendant 12 heures. Celui-ci refuse de quitter son lieu de détention et d’assister à l’audience du 9 mai 2023. En son absence, le juge d’instruction de Sousse 2 décide de l’inculper et de le laisser en détention.
  • –  Affaire « Plainte d’un membre du syndicat de la sécurité ». Elle est basée sur le témoignage d’un membre des forces de police selon lequel il possédait un enregistrement d’une conversation entre R. Ghannouchi et les dirigeants du groupe terroriste interdit Ansar Al- Sharia (interdit sous le gouvernement dirigé par Ennahdha en 2013). Cette personne affirme avoir remis l’enregistrement à ses supérieurs sans en garder une copie, mais que ceux-ci l’ont détruit. Les officiers supérieurs de ce policier ont rejeté ces accusations et nié avoir jamais reçu d’enregistrement de sa part. Plutôt que de rejeter les allégations en raison de l’absence de preuves, le ministère public, sur ordre du ministre de la Justice, a ouvert l’enquête et convoqué M. Ghannouchi pour l’interroger, le 23 février 2023. Aucun enregistrement vidéo n’a jamais été présenté par l’accusation. Un contre-interrogatoire a été organisé, le 24 avril 2023, pendant 7 heures. Les deux témoins n’ont pas été en mesure de fournir de preuves et le juge a décidé de rejeter l’accusation portée contre M. Ghannouchi. De retour dans sa cellule, celui-ci il a décidé de refuser tout interrogatoire car motivés selon lui par des considérations politiques et font partie d’une chasse aux sorcières contre des opposants politiques. Le Comité de défense de R. Ghannouchi a par la suite annoncé sa décision de boycotter tout nouvel interrogatoire tant qu’il serait en prison considérant qu’il avait subi pas moins 120 heures d’interrogatoire sur des accusations fallacieuses depuis mars 2022.

L’affaire dite de l’« appareil secret » :

Le 9 juin 2023, le juge d’instruction près le tribunal de première instance de l’Ariana a émis un troisième mandat de dépôt contre R. Ghannouchi dans l’affaire dite de « l’appareil secret » du parti Ennahdha qui devrait répondre de constitution d’une “organisation secrète” ayant pour mission de noyauter les organes de l’État, d’intercepter des communications téléphoniques et de traquer des opposants politiques. 34 prévenus sont interdits de voyager. R. Ghannouchi a boycotté l’instruction, l’enquête ainsi que les séances. Les investigations entreprises et les plaintes déposées par les avocats membres du « Comité de défense des martyrs Mohamed Brahmi et Chokri Belaid » ont abouti au renvoi de l’affaire devant le TPI de l’Ariana après avoir été du ressort du TPI de Tunis où le juge Bechir Akremi était procureur de la République. Le tribunal militaire serait chargé du volet lié « à l’espionnage et à la trahison ». Des magistrats, dont le juge B. Akremi qui a été démis de ses fonctions, sont l’objet de plaintes pour n’avoir engagé aucune action judiciaire dans l’affaire dite de l’appareil secret d’Ennahdha et de « la chambre noire » et provoquer une lenteur « délibérée » dans la recherche de la vérité sur les assassinats politiques.

Une nouvelle affaire de « complot contre la sûreté de l’Etat »

Le parquet près du pôle antiterroriste du TPI de Tunis s’est saisi, le 30 mai 2023, d’une nouvelle enquête “pour complot contre la sûreté de l’Etat” dans laquelle est cité R. Ghannouchi et une vingtaine de personnalités politiques parmi lesquelles plusieurs ex- ministres et deux anciens chefs de gouvernement. Cette liste comprend d’autres membres du parti Ennahdha : Ali Laârayedh (en détention), Adel Daâdaâ, Lotfi Zitoun (ancien conseiller de Hamadi Jebali ex-chef de gouvernement), Kamel Bedoui (ex- conseiller au ministère de l’Intérieur), Habib Ellouz (ex-député) ainsi que l’ancienne cheffe du cabinet présidentiel, Nadia Akacha, Youssef Chahed, ancien chef du gouvernement, Kamel Guizani. ex-directeur général de la sureté nationale et un journaliste. Le juge d’instruction chargé de l’affaire a déjà émis des mandats de dépôt à l’encontre d’un ancien sécuritaire et de l’ancien président du conseil municipal dissous d’Ezzahra (banlieue de Tunis), Mohamed Rayen Hamzaoui

Les magistrats mis au pas

Taieb Rached, arrêté le 11 février 2023 et accusé de corruption financière, dissimulation de preuves et entrave à la justice. il est toujours en détention. Premier président de la Cour de cassation, membre du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et ancien chef de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois. Son appartenance au CSM a été gelée et son immunité levée à la suite de ces accusations.

Béchir Akremi, arrêté le 12 février 2023 et accusé de corruption financière, dissimulation de preuves et entrave à la justice. il est actuellement en détention. Procureur de la République au Tribunal de première instance de Tunis durant plusieurs années, il a été chargé des dossiers des assassinats politiques et des crimes terroristes les plus importants commis en Tunisie. Ses pairs lui reconnaissent son impartialité et son professionnalisme. Toutes les enquêtes judiciaires et administratives menées par le gouvernement n’ont montré aucun manquement d’ordre professionnel, le gouvernement a décidé de le placer dans un hôpital psychiatrique afin de nuire à son moral et à sa crédibilité. Admis à l’hôpital psychiatrique Razi de Manouba, il entame une grève de la faim après que ses avocats ont été empêchés de lui rendre visite.

57 magistrats révoqués : Kaïs Saïed a décidé, le 1er juin 2022 par décret (no. 516-2022), la révocation collective de 57 magistrats. Cette révocation s’est faite en parallèle à la promulgation d’un décret-loi créant le Conseil supérieur provisoire, par lequel le Président s’est arrogé la tutelle de l’autorité supervisant le système judiciaire et la compétence de révoquer unilatéralement les magistrats, sans possibilité d’appel immédiat. L’objectif est aussi d’écarter un certain nombre de juges du ministère public, dont le procureur général de la Cour d’appel de Tunis et le procureur général du Tribunal de première instance de Tunis, qui ont montré leur attachement à l’application de la loi et au respect des procédures judiciaires de manière impartiale après le 25 juillet 2021. Elle inclut également le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et certains de ses membres ainsi que les juges qui ont exprimé des positions critiques sur les décisions abusives du Président remettant en question l’indépendance du pouvoir judiciaire. Enfin, cette révocation fait suite à des violations répétées du droit constitutionnel depuis le 25 juillet 2021, incluant la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) annoncée dans la nuit du 5 au 6 février 2022 depuis le siège du ministère de l’Intérieur. En effet, la dissolution du CSM et la mise en place d’un Conseil supérieur provisoire de la magistrature, entièrement nommé et contrôlé par le Président, a permis à ce dernier d’avoir la mainmise sur la justice donnant lieu à des dépassements dénoncés par plusieurs ONG nationales et internationales lors des dernières arrestations des acteurs politiques, des activistes associatifs, des journalistes et des syndicalistes et à la fermeture des locaux de certains partis politiques (Ennahdha et le Front du Salut National) ainsi que la traduction de dizaines d’opposants et de citoyens devant les tribunaux selon le décret-loi 54.

Les avocats bâillonnés

Hayet Jazzar et Ayoub Ghedamsi sont traduits devant le juge d’instruction, pour « outrage à fonctionnaire », alors qu’ils plaidaient devant le juge cantonal de Carthage. Le Conseil régional de l’Ordre des avocats de Tunis, a souligné, dans un communiqué du 10 octobre 2022, que le contenu des travaux, plaidoiries et rapports réalisés par les avocats, dans l’exercice de leur profession, ne peuvent en aucun cas conduire à des poursuites pénales à leur encontre ; le Conseil a estimé qu’il s’agit d’un tournant « grave et illégal ».

Ayachi Hammami, avocat, coordinateur du Comité de défense des magistrats révoqués. (voir ci-dessus) ; il est poursuivi en vertu du décret-loi 2022-54 du 13 septembre 2022, par la ministre de la Justice Leila Jaffel qui a donné instruction d’ouvrir une enquête conformément à l’article 23 du Code de procédure pénale, au Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis, le 30 décembre 2022. Le prétexte : des déclarations qu’Ayachi Hammami auraient faites lors d’une interview à la radio, le 29 décembre 2022, en sa qualité d’avocat de la défense et de coordinateur du Comité de défense des magistrats révoqués. Le 10 janvier 2023, A. Hammami a été cité à comparaître devant le juge d’instruction du TPI de Tunis, qui l’a interrogé en présence de ses avocats. L’enquête judiciaire dans cette affaire est toujours en cours.

Saida Akremi, Samir Dilou, Anouar Ouled Ali, Sami Triki, Malek Ammar, Naceur Harrabi, Mohsen Sahbani, Monia Bouali, Ramzi Ben Diya, Nizar Toumi, Ines Harrath, Abderraouf Abba, Abderrazak Kilani, ancien bâtonnier de Tunisie, sont poursuivis pour « participation à un groupe qui trouble l’ordre public avec l’intention de s’opposer à l’application de la loi ou de porter atteinte à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, en proférant de menaces verbales et en usant de mensonges pour empêcher un individu ou un groupe de travailler ». Le bâtonnier Kilani a été traduit devant le tribunal militaire le 2 mars 2023, puis libéré à la suite d’une campagne de solidarité nationale et internationale. Ces avocats font partie d’un collectif de défense de Noureddine Bhiri, dirigeant d’Ennahdha et ancien ministre de la Justice, arrêté le 31 décembre 2022 à son domicile pour des « soupçons de terrorisme » et placé en résidence surveillée sur ordre du ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine. Les faits remontent au 2 janvier 2023 quand le collectif d’avocats de la défense est empêché d’entrer à l’hôpital Habib Bougatefa de Bizerte pour rendre visite N.Brhiri hospitalisé.

Ghazi Chaouachi (actuellement en détention provisoire) : le 22 novembre 2022, le juge d’instruction près le tribunal de première instance de Tunis a ouvert une enquête judiciaire pour « diffusion de fausses nouvelles menaçant la sécurité publique par le biais de médias audiovisuels », et « attribuant de fausses informations à un agent public » sur la base de l’article 24 du décret 54 et de l’article 128 du Code pénal tunisien respectivement, à la suite d’une déclaration faite par G. Chaouachi lors d’une émission sur une chaîne de télévision tunisienne dans laquelle il affirmait que le ministère de la Justice avait harcelé les juges révoqués. L’enquête a été ouverte suite à une instruction du ministre de la Justice, conformément à l’article 23 du Code de procédure pénale, au Procureur de la République près le Tribunal de première instance. (voir ci-dessus)

Bochra Bel Haj Hamida, Ayachi Hammami, Ahmed Nejib Chebbi, Noureddine Bhiri sont l’objet d’une enquête judiciaire portée à la connaissance de la section régionale de Tunis de l’Ordre nationale des avocats de Tunisie (ONAT). L’article 46 du décret-loi n° 2011-79 du 20 août 2011, portant organisation de la profession d’avocat, dispose : « Dans le cas de poursuites pénales contre un avocat, le président de la section régionale compétente doit en être avisé immédiatement. L’avocat est déféré obligatoirement par le Procureur général devant le juge d’instruction qui doit procéder à son interrogatoire en présence du président de la section régionale compétente ou de celui qu’il aura mandaté. (…) ». Ils sont poursuivis dans le cadre de l’affaire dite de complot contre la sûreté de l’Etat

Abdelaziz Essid, avocat, il a été convoqué pour audition sur ordre du ministère de la Justice dans le cadre de l’affaire dite du complot contre la sûreté de l’État selon un communiqué daté du 15 mai 2023 du Comité de défense des prisonniers politiques dont il est le coordinateur. Le Conseil régional des avocats de Tunis a été informé de la convocation de Me Essid. Celui-ci a exprimé son indignation soulignant que l’affaire est au point mort et qu’il n’y a rien de nouveau dans un dossier déjà vide.

Mehdi Zargouba, Il est poursuivi dans une affaire après une plainte déposée par le ministre de la Justice sur la base du décret 54. Il a été condamné par le tribunal militaire dans l’affaire dite de l’aéroport (voir ci-dessous), le 17 juin 2022, à 11 mois de prison en plus d’une interdiction d’exercer la profession d’avocat pendant cinq ans. Il est sorti de prison le 5 mai 2023 à la faveur d’une décision de la Cour de cassation qui a renvoyé l’affaire à une autre cour, et a bénéficié du soutien de l’Association des jeunes avocats qui, lors de son dernier congrès, l’a élu à son bureau à une écrasante majorité. Il est de nouveau l’objet d’un mandat d’amener le 23 mai 2023, le tribunal de première instance de Tunis ayant engagé des poursuites pénales à son encontre sur la base d’accusations de diffusion de fausses nouvelles dans le but de diffamer le ministre de la Justice, en vertu de l’article 24 du décret 54. Les faits se rapportent à un poste Facebook qu’il a posté le 23 octobre 2022 dans lequel il critique la ministre de la Justice en l’accusant d’avoir monté les affaires judiciaires contre les 57 juges révoqués le 1er juin 2022 par le président Saïed.

Islam Hamza : le 14 juin 2023, l’Ordre des avocats a informé Islem Hamza, avocate et membre du Comité de défense des prisonniers politiques, qu’une enquête pénale était ouverte contre elle à la suite d’une plainte de la Direction Générale des Prisons et de la Rééducation, le 5 mai 2023. L’avocate avait déclaré sur Radio Shems FM le 6 avril 2023 que «les détenus sont transférés dans une sorte de véhicule dédié aux terroristes. Ce véhicule contient une cage métallique très étroite pouvant à peine accueillir une personne où les détenus sont installés accroupis, tête baissée, menottés, incapables de garder leur équilibre».

Ines Harrath, avocate de plusieurs personnalités arrêtées depuis le 11 février 2023, elle est interdite de voyage le 21 mars 2023.

Les journalistes harcelés

Noureddine Boutar, arrêté dans la soirée du 13 février 2023 et mis au dépôt le 20 février 2023. Il est poursuivi pour corruption financière. Il est libéré, le 25 mai 2023, après paiement d’une caution de 1 million de Dinars tunisiens (équivalent de 300 000 euros). Il est directeur et fondateur de Mosaïque FM, la principale radio indépendante privée en Tunisie. Son émission politique phare Midi-Show, écoutée par plus de 1,5 millions d’auditeurs, est animée par trois journalistes Elyes Gharbi, Haythem Mekki et Zied Krichene : les deux premiers ont été poursuivis par un syndicat de policiers pour avoir questionné le mode de recrutement des policiers après l’attentat terroriste de Jerba le 10 mai 2023. Laissés en liberté après avoir été interrogés par la brigade criminelle à El Gojani (Tunis). Pour sa part Z. Krichene est le rédacteur en chef du quotidien Le Maghreb, l’un des rares titres indépendants en Tunisie de langue arabe. Le président K. Saïed a publiquement accusé Mosaïque FM d’avoir partie parte liée avec l’opposition.

Mohamed Fourati : convoqué le 11 mars 2023 pour une investigation par l’Unité nationale d’investigation des crimes terroristes, il est écroué le 12 mars 2023 avec interdiction de voir son avocat durant 48h. Il est rédacteur en chef du journal tunisien Al-Fajr (Journal du parti Ennahdha) et membre du conseil de la Choura. Les détails et le fond de l’affaire sur la base desquels Mohamed Fourati a été convoqué et entendu ne sont pas clairs. Il serait accusé de manipulation de l’opinion publique pour avoir diffusé des rumeurs visant à blanchir des personnes accusées de corruption et de complot contre la sûreté de l’Etat. Libéré le 17 mars 2023.

Ahmed Jouini, arrêté le 27 décembre 2022 puis relâcher. Il est accusé d’avoir filmé sans autorisation. Journaliste à la télévision Al Ghad, il s’est vu confisquer son matériel par la police qui, au poste, a effacé l’enregistrement.

Mahdi Jelassi, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT). Comme d’autres activistes, il est convoqué devant la justice pour « incitation à la désobéissance et voies de fait sur agent public ». Une instruction judiciaire a été ouverte à son encontre pour avoir assuré la couverture médiatique de la manifestation du 18 juillet 2022 contre le référendum.

Abdel Khalek Lazraq, journaliste de la Radio nationale, a été conduit au centre de sécurité Louis Bray dans la capitale, après s’être vu confisquer sa carte nationale d’identité. Il est l’objet d’une plainte, le 24 avril 2023, par un policier.

Saleh Attia, journaliste, rédacteur en chef d’Al Ray Al Jadid, journal en ligne. Il a été condamné, le 17 août 2022, par la Chambre criminelle près du Tribunal militaire permanent de Tunis, à trois mois de prison ferme pour « atteinte à la sûreté de l’Etat et au moral de l’armée, d’imputation à un fonctionnaire public de faits illégaux en rapport avec ses fonctions sans établir la véracité, d’outrage à autrui à travers les réseaux sociaux ». Arrêté par la police le 11 juin 2022 et placé en détention par le juge d’instruction militaire, le 13 juin 2022, il a exprimé, comme le SNJT, son refus de comparaître en tant que civil devant un tribunal militaire. S. Attia avait déclaré, le 10 juin 2022, à la chaîne qatarie Al-Jazeera que « le président tunisien Kaïs Saïed a demandé à l’armée d’encercler le siège de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), par suite de l’appel à la grève générale lancé par cette dernière. » Et le journaliste d’ajouter : « L’armée a refusé d’accéder à la demande du président, et aurait informé les dirigeants de la centrale syndicale », ce que l’UGTT a par la suite démenti.

Ghassen Ben Khelifa, rédacteur en chef du site Inhiyaz, il est arrêté à son domicile le 6 septembre 2022, aves saisie de ses ordinateurs et fouille de son domicile. Placé en détention pendant 5 jours sur instruction du parquet du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, il a été libéré le 11 septembre 2022.

Le site « ONE TN » : Le 23 février 2023, les unités de sécurité affiliées à l’équipe d’enquête criminelle d’Al-Gorjani ont fait une descente au siège du site, confisqué l’équipement de travail, arrêté tous ceux qui se trouvaient sur place et les ont transférés pour interrogatoire. jusqu’à l’aube du 24 février 2023. Les interrogatoires portaient sur la ligne éditoriale du site et les pages électroniques qui y sont publiées. Il est animé par la société « Strategy News » propriétaire du site. Toutes les personnes interpellées ont été libérés (les journalistes Rajaa Gharsa, Malek Zamal et Alaa Al-Bajawi, le responsable du site Ayman Al-Ajimi, le technicien, le producteur de Gharsa et Marwa Al-Sleiti et l’employé Iman Moftah). Les ordinateurs et les téléphones personnels des employés du site ont été saisis sur la base d’une autorisation judiciaire pour être soumis à des tests techniques.

Amer Ayad, journaliste et présentateur de l’émission « Al Hassad 24 » de la chaîne « Zaytouna» (proche d’Ennahdha), a été condamné en première instance par le Tribunal militaire permanent de Tunis à 4 mois de prison ferme. Il comparaît sous l‘accusation de « complot contre la sûreté intérieure de l’État, appel à la rébellion, imputation à un fonctionnaire public des faits illégaux et diffamation contre le président de la République ». Les faits reprochés remontent au 1er octobre 2022 quand le journaliste a lu un poème du poète palestinien Ahmed Matar. Le 25 novembre 2022, le Tribunal militaire permanent de Tunis a décidé sa remise en liberté après quelques deux mois de détention.

Nizar Bahloul, journaliste, fondateur et directeur du média en ligne « Businesses News », a été entendu, le 15 novembre 2022, par la brigade anticriminalité de Gorjani à la suite d’une plainte déposée contre lui par la ministre de la Justice, Laila Jaffal, après que le site ait publié un article analytique sur le bilan de Najla Bouden pendant les 13 mois sous le titre « Najla Bouden, la gentille woman… ». La plainte s’appuie sur l’article 24 du décret-loi 2022-54 sur la cybercriminalité : « diffamation, publication de fausses informations, allégations mensongères contre un fonctionnaire public et injures contre la cheffe du gouvernement». La plainte précise que l’article de presse a « des conséquences touchant la sûreté du pays et cherche à atteindre les institutions de l’État ».

Mohamed Boughaleb, journaliste à la radio Cap FM, est poursuivi en vertu du décret-loi 2022- 54 à la suite de la plainte portée contre lui par le ministre des Affaires religieuses pour « imputation à un fonctionnaire public de faits non exacts » sur la base de l’art. 24 du décret- loi- 2022-54. Interrogé le 7 avril 2023 durant deux heures, le parquet a décidé de le laisser en liberté tout en sachant que son état de santé s’est détérioré (il est diabétique).

Monia Arfaoui, journaliste au quotidien Assabah ; poursuivie en vertu du décret-loi 2022-54, pour un post FB critiquant le ministère des Affaires religieuses pour sa coopération avec le bureau de Tunis du Haut-commissariat pour les droits de l’homme ainsi qu’en vertu du code des communications et du code pénal au sujet d’un article relatif à la gestion de la Oumra (pèlerinage de la Mecque) par le ministère des Affaires religieuses. Elle a été auditionnée le 24 mars 2023 par la police judiciaire de Gorjani.

Monia Arfaoui et Mohamed Boughaleb ont comparu, le 12 avril 2023, à la suite de la plainte déposée par le ministre des Affaires religieuses pour « constitution d’une entente criminelle en vue de nuire à des personnes ». Les faits se rapportent à des publications sur les réseaux sociaux critiquant le ministre pour son utilisation personnelle d’une voiture sous régime douanier appartenant à un propriétaire privé.

Elyes Gharbi et Haythem Mekki, journalistes à Mosaïque FM, ont comparu le lundi 22 mai 2023 devant la brigade criminelle de la police judiciaire d’El Gorjani, dans le cadre d’une plainte déposée par le syndicat des Forces de sécurité intérieure pour « diffamation, outrage à la pudeur et injure envers des agents des forces sécuritaires » concernant le contenu de l’émission « Midi Show » du 15 mai 2023.

Khalifa Gasmi, correspondant de la station Mosaïque FM, condamné le 15 mai 2023, par la chambre spécialisée dans les affaires terroristes de la Cour de Tunis à cinq ans de prison ferme pour avoir publié une information sur le démantèlement d’un réseau terroriste, information obtenue d’une source officielle qu’il a refusé de communiquer. Zied El Heni, chroniqueur à la radio IFM, interpellé le 20 juin 2023 pour avoir moqué un article du code pénal traitant des cas d’outrage au chef de l’Etat, article qui prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour quiconque « se rend coupable d’offense contre le chef de l’État ».


Remis en liberté le 22 juin 2023. Les bureaux de la chaîne de télévision qatarie, Al Jazeera à Tunis sont encerclés puis fermés par les forces de l’ordre, le 26 juillet 2021, au lendemain du coup de force de K. Saïed sans qu’aucune raison ne soit donnée aux journalistes. Interdits de filmer, ses journalistes sont traqués par la police lors des manifestations. Les journalistes de la chaîne travaillent depuis à partir du siège du SNJT sans l’aide duquel l’activité de la chaine aurait cessé.

… et aussi violentés (quelques faits)


17 septembre 2021 : agression d’Aroua Baraket : journaliste et militante féministe par des policiers.

25 septembre 2021 : agression de la journaliste Kahoula Boukrim par la police lors d’une manifestation à l’avenue Habib Bourguiba.

23 mars 2022 : des policiers en civil conduisent les reporters Seif Koussani et Tarek Laâbidi de la plateforme Nawaat au commissariat alors qu’ils assuraient la couverture d’une manifestation à Rades dans le cadre de la campagne « Apprends-à-nager » relative à la mort du jeune Omar Laâbidi (voir ci-dessous, les violences policières). Ils sont cités à comparaître au TPI de Ben Arous. La police a aussi procédé à des arrestations dans les rangs des manifestants dont l’activiste Ayoub Amara et le père de Omar Laâbidi

14 janvier 2022, : alors qu’il couvrait la manifestation, Mathieu Galtier, correspondant de « Libération » et collaborateur de « Jeune Afrique » à Tunis est violemment agressé par les forces de police. Jeté au sol, plusieurs policiers le rouent de coups de bottes le journaliste se met en position fœtale, les bras sur la tête et son sac à dos à l’avant pour se protéger. Ce jour- là, plusieurs manifestant-es se rassemblaient dans le centre-ville de Tunis à l’initiative de plusieurs groupes politiques pour protester contre l’accaparement des pouvoirs par le président Kaïs Saïed depuis le 25 juillet 2021. Le dispositif répressif mis en place est important – canons à eau, agents en grand nombre sur des motos, etc. – et les rassemblements sont interdits, officiellement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Durant cette journée, le SNJT a recensé 20 journalistes empêchés de travailler ou arrêtés.

Les syndicalistes sous pression

Anis Kaabi, arrêté le 31 janvier 2023. Secrétaire général du syndicat des agents de la Société Tunisie Autoroutes, il est accusé d’avoir soutenu une grève des agents d’autoroute. A la suite de deux plaintes déposées contre lui pour « exploitation d’un fonctionnaire public de sa qualité en vue de porter préjudice à l’administration et l’entente pour faire obstacle à l’exercice d’un service public par démission collective » article 96 et 107 du Code pénal, un mandat de dépôt a été émis à son encontre le 1er février 2023.

Hattab Ben Othmane est président du Syndicat national des agents et cadres de la justice pénale. Arrêté le 15 février 2022 puis relâché pour être arrêté une seconde fois le 22 février 2023, il est accusé de blanchiment d’argent et offense au Président de la République. Il est emprisonné pour ces deux affaires depuis le 9 mars 2023.

Wajih Zaidi , secrétaire général du Syndicat général des transports publics tunisiens, il a été interpellé par la brigade criminelle de la garde nationale de Ben Arous, le 15 février 2023, à la suite de plaintes déposées par le ministre des Transports, le 12 octobre 2022, pour «diffusion de « fake news » dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui », en application de l’article 24 du décret 54, sur la base d’une déclaration qu’il avait faite sur la radio Diwan FM, le 2 janvier 2023, dénonçant la détérioration des équipements de la Société des transports de Tunis et la performance du ministère des Transports. Le 24 février 2023, il a été cité à comparaître devant le juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis et, le 17 mars 2023, le tribunal l’a acquitté des charges fondées sur le décret 54. Cependant, le même jour, à la suite d’autres plaintes déposées par le ministre des Transports, la même Cour a condamné Wajih Zaidi, ainsi que 14 autres syndicalistes, à quatre mois de prison pour « entrave au travail, prise d’assaut du bureau du ministre et blocage de l’ascenseur du ministère », en vertu de l’article 136 du Code pénal, dans le cadre des protestations affectant le secteur des transports.

Abdelfattah Taghouti, secrétaire général du syndicat du ministère de la Culture, responsable de la communication du parti Ennahdha. Interpellé dans la nuit du 14 au 15 mars 2023 pour complot contre la sûreté de l’Etat, il aurait été libéré le 24 mars 2023 et interdit de voyager.

Pour le ministère de l’Intérieur, il est suspecté d’avoir géré une page Facebook appelant la population à se dresser contre les institutions de l’Etat.

Autre affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat dite affaire Balti ou encore des « 25 »

Walid Balti, arrêté en novembre 2022. Ancien conseiller au cabinet du ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement de la première troïka post-révolution. Les poursuites sont devant le tribunal militaire. W. Balti est un des éléments clefs du coup de force du 25 juillet 2021. Proche de l’ancienne cheffe de cabinet de la présidence, Nadia Akacha, aujourd’hui en fuite à l’étranger, il a été membre du Congrès pour la République (CPR) (crée par l’ancien chef d’Etat , Moncef Marzouki), co-fondateur du Parti Attayar el democrari de Mohamed Abbou dont il fut exclu en 2014. Il avait eu depuis l’élection de Kaïs Saïed ses entrées au palais de Carthage sans que son nom figure dans aucun organigramme et fait l’objet d’une nomination officielle. Il y a deux affaires Balti en une. Celle de la société du pari sportif qu’il a créée et qu’il a dû dissoudre après plusieurs mois d’activités, la loi tunisienne accordant à la société publique « promosports » le monopole des paris sportifs en Tunisie. Et celle pour laquelle il est poursuivi pour «association de malfaiteurs dans l’objectif d’agresser des personnes, complot contre la sûreté de l’Etat, intelligence avec des agents de puissances étrangères dans l’objectif d’atteindre diplomatiquement la Tunisie, offense du président de la République, et faux et usage de faux ». L’examen de son téléphone portable a révélé des échanges de documents et des communications par WhatsApp avec plusieurs personnalités tels que l’avocate et chroniqueuse pro-Saïed, Maya Ksouri, l’artiste Sawsen Maalej ou encore un ancien élu local français, Jean-Pierre Mangiapan, PDG d’une société d’investissement et de promotion touristique.

Sont cités en état de liberté dans cette affaire :

Hakim Ben Hammouda, ancien ministre des Finances. Auditionné le 25 novembre2022, déféré devant le juge d’instruction, il a été interdit de voyager du 26 novembre 2022 au 5 juin 2023, date de la levée de l’interdiction de voyager.

Fadhel Abdelkefi, ancien ministre des Finances, président du parti d’opposition Afek; interdit de voyager depuis le 25 novembre 2022, interdiction levée fin mai 2023.

Taoufik Bououn, policier, Rim Attouchi, journaliste ; Ameni Ayari ; Nadia Akacha, ancienne directrice du cabinet du président de la République Kaïs Saïed ; Chahrazed Akacha, journaliste.

L’affaire dite de l’aéroport

Des députés du groupe Itilef Al Karama se heurtent aux forces de l’ordre en voulant permettre à une femme fichée S17 (voir ci-dessous) et interdite de voyager de prendre l’avion. Poursuivis pour « troubles à l’ordre public, menace à la sûreté de l’État, entrave et outrage à des représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions », ils comparaissent devant le tribunal militaire et sont condamnés à des peines de prison et tous interdits de voyager.

Dans le cadre de la « Stratégie nationale de lutte contre l’extrémisme et le terrorisme », les autorités tunisiennes appliquent depuis 2013 un ensemble de mesures de contrôle frontalier, dites S17 (un fichier établi par la police) qui visent à surveiller les déplacements des personnes qu’elles soupçonnent être affiliées à des « groupes djihadistes ». Dans les faits, la procédure S17 a servi à empêcher des milliers de jeunes, des hommes d’affaires et plusieurs personnalités politiques à quitter le territoire.

Rached Khiari, ex-député, arrêté le 3 août 2022. Ex-député d’itilaf Al Karama, il est condamné à 3 mois de prison ferme pour ses propos relatifs au financement de la campagne de KS. Il est accusé d’atteinte à la morale de l’armée nationale, de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat et de contacts avec des parties étrangères pour nuire aux intérêts de l’Etat.

Seifeddine Makhlouf, arrêté le 21 janvier 2023. Avocat et ex-député d’Itilaf Al Karama, il est condamné le 17 juin 2022 par le Tribunal militaire à un an de prison ferme en plus d’une interdiction d’exercer la profession d’avocat pendant cinq ans ; il a été libéré le 27 avril 2023.

Maher Zid, arrêté le 30 juillet 2021. Journaliste, ex-député d’Itilaf Al Karama il a été condamné par le tribunal militaire à cinq mois de prison.

Nidhal Saoudi, ex-député, il est condamné à 5 mois de prison ferme.
Mohamed Affes, arrêté en septembre 2022. Ex-député, il a été condamné par le tribunal militaire à trois mois de prison ferme.

Lotfi Mejri, a été condamné à 3 mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir filmé une altercation avec la police.

L’affaire du 18 juillet 2022

Avec Mahdi Jelassi, président du SNJT et plusieurs activistes sont poursuivis pour « incitation à la désobéissance et voies de fait sur agent public ». Une instruction judiciaire a été ouverte à leur encontre pour avoir manifesté, le 18 juillet 2022, contre le référendum prévue le 25 juillet 2022. Ils sont en maintenus en liberté : Wael Naouar, Asrar Ben Jouira, Nawres Douzi, Khaliil Zghidi.

Saief Ayadi, militant queer, est interdit de voyager ; arrêté le 20 octobre 2022 après avoir rendu visite à la famille de la victime de violences policières Malek Slimi. Il a été écroué pour 24h et une enquête a été ouverte contre lui par le TPI de l’Ariana. Les accusations contre lui consistent à « enfreindre la liberté de circulation et formation d’une entente criminelle »

Outrage au président de la République, corruption financière, blanchiment d’argent, diffusion de fausses nouvelles: un mélange pêlemêle d’accusations et de règlements de comptes

Slim Jebali, blogueur, arrêté et présenté devant le parquet militaire le 31 mai 2021, laissé en liberté jusqu’au procès, il est condamné, le 13 octobre 2021 à un an de prison ferme pour outrage au président et atteinte à la dignité de l’armée. Peine réduite en appel, le 12 novembre 2021, à 6 mois de prison ferme.

Yassine Ayari, ancien député, poursuivi devant le tribunal militaire pour avoir critiqué l’armée dans ses publications sur Facebook, condamné à deux mois de réclusion et incarcéré le 28 juillet 2021 à la prison de Mornaguia. Poursuivi dans une deuxième affaire d’outrage à l’armée et au président pour avoir accusé Kaïes Saïed d’avoir organisé « un coup d’état militaire », il a été relaxé le 27 octobre 2021. il est accusé dans une troisième affaire de « porter atteinte au moral de l’armée » et d « offense contre le chef de l’Etat ». Condamné par contumace, le 18 février 2022, à 10 mois de prison ferme.

Riadh Mouakher, ancien ministre des Affaires locales et de l’Environnement (27 août 2016-14 novembre 2018) et ancien Secrétaire général du gouvernement (19 novembre 2018-12 octobre 2019). Il est arrêté le 28 février 2023, accusé de corruption financière et écroué. La demande de sa libération a été rejetée le 16 juin 2023. Il était déjà assigné à résidence et interdit de reprendre ses activités de médecin depuis l’été 2022.

Fathi Baldi, arrêté le 22 septembre 2022, sa maison a été perquisitionnée par des policiers en civil, son épouse et son père molestés. Il est fonctionnaire et ancien chargé de mission au cabinet du ministre de l’Intérieur Ali Laârayedh. En décembre 2021, il a été mis à la retraite obligatoire avec d’autres fonctionnaires du ministère de l’Intérieur.

Amel Meddeb, arrêtée le 7 mars 2023 et écrouée. Députée de l’ARP en 2022, elle est accusée de trafic d’attestation de résidence.

Sihem Ben Sedrine, ancienne présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), elle est accusée de « falsification du rapport de l’IVD », de « s’être procuré des avantages injustifiés », et d’avoir « causé des préjudices à l’État ». Elle est interdite de voyager depuis le 7 mars 2023.

Nabil Baffoun, ancien président de l’ISIE, interdit de voyager depuis le 4 février 2023.
Adel Almi, un prédicateur très controversé, arrêté pour outrage au président de la République le 23 décembre 2022, puis relâché quelques heures après.

Sami Ben Slama, membre du Conseil de la première Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) de 2011, puis de l’Instance électorale concoctée par K. Saïed en 2022. Il est l’objet de plusieurs plaintes déposées contre lui par Farouk Bouasker, président de l’instance électorale de 2023 basées sur le décret-loi 2022-54. Ce dernier lui reproche ses articles et ses positions critiques notamment sur Facebook. Sami Ben Slama a toujours proclamé son droit d’exprimer librement son opinion notamment en ce qui concerne les infractions, violations et manquements commis par le président de l’instance électorale. Entendu par la sous-direction des affaires criminelles d’El Gorjani, il s’est réclamé de son immunité judiciaire malgré la décision du Conseil de l’instance électorale de mettre fin à son mandat, dès lors qu’il n’a pas été révoqué par le président de la République qui l’a nommé.

Zaki Rahmouni, membre du conseil de la première l’ISIE , celle de 2011, a été entendu le 28 avril 2023, par la brigade de la garde nationale de Siliana dans le cadre d’une commission trois de ses publications Facebook considérées comme diffamatoires lesquelles tombaient été entendu le 28 rogatoire du juge d’instruction du TPI par suite d’une plainte déposée par l’ISIE concernant sous le coup de l’article 24 du décret 54 de septembre 2022. Une de ces publications se résume à un seul mot et deux datent de juillet 2022. Or, la plainte les cite comme ayant été publiées en octobre, astuce sans doute pour recourir au décret 54 qui de de septembre.

Amel Aloui, mairesse de Tabarka est accusée de corruption financière et arrêtée le 9 août 2023. Elle a été mise en liberté après une campagne de solidarité au niveau national et international. Amal a été élue maire de Tabarka en mai 2022. Elle s’est rendue célèbre lors de la tentative d’un jeune salafiste de remplacer le drapeau national tunisien par un autre drapeau « djihadiste » à l’université de Manouba et empêché par deux jeunes étudiantes : Khaoula Rachidi et Amel Aloui qui ont été par la suite accueillies au palais de Carthage et honorées par la présidence de la République.

Mohamed Zantour (en détention), arrêté le 26 avril 2023 à son domicile par des policiers de la brigade anti-terroriste. Photographe et militant politique au sein du Front du salut, il est inculpé, le 27 avril 2023, par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Sousse de « diffusion de fausses nouvelles en vue de diffamer le chef de l’État », au titre de l’article 24 du décret 54, pour ses publications sur Facebook critiquant l’escalade des violations du droit à la liberté d’expression et manifestant sa solidarité avec l’opposition. Le procureur a décidé de le maintenir en détention provisoire, jusqu’à sa comparution devant le juge d’instruction, le 29 avril 2023. Ce dernier, a décidé de le placer en détention provisoire et de renvoyer l’affaire devant la chambre d’accusation du tribunal de première instance de Sousse réunie, le 6 juin 2023, qui décide de prolonger sa détention provisoire dans l’attente de compléments d’enquête.

Walid Ellouz, propriétaire d’un établissement de café, interpellé le 26 février 2023 pour complot contre la sûreté de l’Etat, blanchiment d’argent et importation sans déclaration.

Romdhane Souid, ancien directeur général de la Société tunisienne de transports des produits miniers (STTPM), interpellé le 2 mars 2023 pour suspicion de corruption concernant un marché public d’un million de dinars remontant à 2017.

Sahbi El Amri, blogueur qui a fait campagne pour K. Saied, interpellé le 8 mars 2023, libéré puis de nouveau arrêté le 31 mars, il est soupçonné d’avoir dévoilé l’identité d’un « agent avril 2023 par la brigade de la garde nationale de Siliana dans le cadre d’une commission trois de ses publications Facebook considérées comme diffamatoires lesquelles tombaient été entendu le 28 rogatoire du juge d’instruction du TPI par suite d’une plainte déposée par l’ISIE concernant sous le coup de l’article 24 du décret 54 de septembre 2022. Une de ces publications se résume à un seul mot et deux datent de juillet 2022. Or, la plainte les cite comme ayant été publiées en octobre, astuce sans doute pour recourir au décret 54 qui de de septembre.

Mosbeh Kardamin, gouverneur de Gabès (sud du pays), limogé le 30 mars 2023, a participé activement à la campagne Kaïes Saied. D’abord laissé libre lors de l’ouverture d’une enquête pour corruption après son limogeage, un mandat de dépôt a été émis à son encontre, le 6 avril 2023, pour «poursuite par un fonctionnaire public de sa fonction après avoir été officiellement notifié de la décision de sa révocation ». Il a été condamné, le 13 avril 2023, à 3 mois de prison pour : octroi d’autorisations de taxis individuels, octroi d’autorisations de vente de fourrage, soupçons de fausses déclarations à propos d’un accident de la route impliquant son fils et sa voiture de fonction.

Mohamed Rayan Hamzaoui, ancien maire d’Ezzahra, interpellé le 29 mai 2023 pour des liens supposés avec Nadia Akacha, ancien cheffe de cabinet de K. Saied.

Mehdi Ben Gharbia, homme d’affaires, ancien député, ancien ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’homme (27 aout 2016- 14 juillet 2018) et ancien prisonnier politique sous Ben Ali, a été mis en détention provisoire le 20 octobre 2021. Le procureur de la République de Sousse a ordonné son arrestation et engagé contre lui une instruction portant sur la gestion des sociétés de service dont il est actionnaire majoritaire mais où il ne détient aucun poste de responsabilité. Il s’agit d’accusation de blanchiment d’argent, de faux et de soupçons de double facturation dont il n’est pas l’auteur ; aucune victime n’a porté plainte contre lui et le dossier ne comporte aucune référence à un quelconque abus de biens publics ou de conflit d’intérêt. Quelques semaines avant son arrestation, M. Ben Gharbia a été stigmatisé dans les réseaux sociaux par des pages soutenant K. Saied comme étant une personne corrompue. Un des animateurs de ces pages FB lui a fait du chantage et tenter de lui extorquer 50 000 dinars contre cessation de la campagne (un enregistrement d’une conversation téléphonique en l’atteste). Deux mois après, le juge d’instruction prononce un non-lieu contre lequel le procureur fait appel et M. Gharbia demeure en prison. Le juge d’instruction qui a ordonné la clôture de l’information et décidé le non-lieu a fait l’objet, le 18 février 2022, d’une enquête de la part de l’Inspection générale du ministère et d’une plainte déposée par une association de Sousse qui a repris littéralement le post du maître chanteur de la page FB. Entendu, le 12 avril 2022, celui-ci a été révoqué par KS le 1er juin 2022 avec 56 autres magistrats. M. Sofiane Bou Hachem, également en détention, un des responsables des sociétés où M. Ben Gharbia est actionnaire majoritaire, est accusé d’être l’auteur principal de ses malversations et M. Gharbia d’être son complice.

Abdellatif Alaoui, ex-député d’Itilef Al Karama, arrêté à son domicile, le 3 octobre 2021, à la suite de déclarations sur une chaine de télévision, le 1er octobre 2023, dans lesquelles il qualifiait le 25 juillet 2021 de coup d’Etat. Il a comparu devant le tribunal militaire et condamné à 3 mois de prison. Il a interjeté appel et n’a pas été incarcéré.

Amer Ayad, animateur de télévision proche d’Itilef Al Karama, arrêté à son domicile, le 3 octobre 2021, placé en détention provisoire et condamné par le tribunal militaire en avril 2022 à 4 mois de prison pour « atteinte au moral de l’armée. Il a interjeté appel et il n’a pas été incarcéré.

Seifeddine Makhlouf, ex-député d’Itilef al Karam a été condamné par le tribunal militaire à un an de prison avec sursis et à l’interdiction d’exercer la profession d’avocat pendant 5 ans, pour outrage à magistrat. Il aurait insulté et menacé un magistrat militaire dans les couloirs du tribunal. Il a été condamné et incarcéré dans une autre affaire (dite de l’aéroport) le 21 janvier 2023, avant d’être libéré le 27 avril 2023.

Rached Khiari, ex-député d’Itilef Al Karama est interpellé le 3 août 2022 alors qu’il était en fuite (un mandat d’amener avait été émis à son encontre le 22 avril 2021). Il est poursuivi pour avoir accusé K. Saïed de « haute trahison, de corruption et de soumission à des pays étrangers » (Etats-Unis, France, Iran) et accusé d’atteinte au moral de l’armée, de critiques envers l’état-major ou les responsables de l’armée visant à toucher leur dignité, de complicité dans des actes visant à troubler le moral de l’armée ou de la nation, de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat. Condamné le 15 novembre 2022 à 3 mois de prison, il a purgé sa peine mais demeure en prison dans l’attente de jugement des autres affaires.

Issam Bargougui, ex-député indépendant, a été condamné par contumace par le tribunal militaire en mars 2022 à 10 mois de prison ferme pour avoir accusé K. Saied de haute trahison et appelé les forces militaires et sécuritaires à l’arrêter. Les faits reprochés se rapportent à des déclarations faites en janvier 2022. Il assure n’avoir reçu ni préavis, ni convocation à comparaitre. Il n’a pas été incarcéré.

Amina Mansour, blogueuse et activiste a été condamnée par le tribunal militaire en mai 2022 à 6 mois de prison ferme pour diffamation. Elle avait critiqué K. Saied sur Facebook en 2021. Son arrestation a suscité l’émotion. Elle n’a pas été incarcérée.

Abdelkrim Slimane, cadre du parti Ennahdha, est arrêté le 31 décembre 2022 dans le cadre d’une investigation de la Brigade économique et financière, il est accusé d’avoir dissimulé des « dizaines de milliards » obtenus illégalement grâce à un montage financier complexe. Il serait également associé à plusieurs autres dossiers : affaire « Instalingo », celle de l’association « Namaa » et le dossier d’envoi de jeunes jihadistes tunisiens dans les zones de conflit

Hichem Mechichi, anicien chef de gouvernement (2 septembre 2020- 25 juillet 2021) est poursuivi dans l’affaire « Instalingo » pour complot contre la sûreté de l’Etat, alors que cette plainte a été classée pour plusieurs personnes dont Chadha Haj Mbarek.

Les violences policières

L’impunité des forces de l’ordre perdure. Les violences physiques, morales et sexuelles peuvent aboutir dans certains cas, à des décès. Les poursuites policières sur les autoroutes, les mauvais traitements et la torture dans les centres de détention, l’usage excessif de la force pour disperser des manifestations et sécuriser des stades de football, ou encore les perquisitions liées à des affaires de droit commun… autant de comportements dont sont victimes des centaines de citoyens parfois au prix de leur vie (le site Inkyfada a recensé 28 décès depuis 2011, Tué·es par la police depuis 2011 : les violences policières en chiffres – Inkyfada).

Des centaines de plaintes ont été déposées contre la police pour violations des droits de l’homme, mauvais traitement et torture. Sans suite. Cette immunité est confortée par les syndicats de policiers qui utilisent tous les moyens de pression y compris illégaux pour interférer dans les procédures légales impliquant des agents de la police accusés de violations ou d’usage excessif de la force.

Voici quelques faits sélectionnés depuis le 25 juillet 2021.

Ahmed M’Hirsi, ami du fils de Khayem Turki, a été interpellé le 11 février 2023, a subi un interrogatoire éprouvant puis est relâché dans la nuit du 12 février 2023 au milieu de l’autoroute;sesdocumentsd’identitéluiontétéremisdébutmai2022. AhmedDoula, commerçant établi à l’étranger, interpellé pour complot contre la sûreté de l’Etat après qu’une voiture vendu par lui et qui portant son nom ait été retrouvée devant le domicile de Khayem Turki.

« t3allem 3oum » (« apprends-à-nager »)

Omar Laâbidi est un jeune de 18 ans qui a trouvé la mort, le 31 mars 2018. Poursuivi par les policiers à la sortie du stade, il se jette dans l’Oued Méliane à Rades (banlieue de Tunis) et, ne sachant pas nager, se noye . Surnommé « le martyr des stades » son cas est devenu emblématique pour les jeunes et en particulier les supporters des équipes de football appelés les Ultras. Quatorze policiers sont poursuivis pour « homicide involontaire, non-respect des lois » conformément aux dispositions de l’article 217 du Code pénal, et « non-assistance à personne en danger ». Ils sont déférés devant le TPI de Ben Arous, l’occasion pour les groupes de supporters et des organisations de la société civile de maintenir en amplifiant, à chaque audience, la campagne « t3allem 3oum » aux fins d’exiger la vérité et mettre fin à l’impunité des forces de l’ordre (manifestations devant le TPI de Ben Arous, brandissement de banderoles exigeant que justice soit faite lors des compétitions sportives …). La campagne va au-delà des supporters du club de la capitale, le Club Africain auquel Omar appartient, incluant les groupes de supporters de différentes équipes sportives. Face à eux les forces de police ont opté pour l’escalade : Omar est devenu un symbole pour les jeunes qui luttent contre les violences policières et se battent contre l’impunité.

Ci-dessous quelques faits parmi les plus récents :

  • –  23 mars 2022 : arrestation de membres du collectif « t3allem 3oum » tels que Ayoub Amara, ainsi que le père de Omar Laâbidi lors du rassemblement organisé sur le lieu de l’incident qui a mené à la mort de ce dernier. Deux journalistes du site d’information Nawaat ont été arrêtés.
  • –  19 avril 2022 : arrestations de 14 supporters du Club africain sorte de représailles aux manifestations de soutien à la famille de la victime lors du procès du 31 mars 2022.
  • –  13 septembre 2022 : convocation de Mohamed Ghassen Boughdiri, activiste au sein du collectif « T3allem 3oum » à Beja. –
  • –  19 octobre 2022 : arrestation par des agents de la police en civil de Saif Ayadi membre de la LTDH Bardo, membre de l’association Damj et membre du collectif « t3allem 3Oum », alors qu’il assistait à une conférence organisée pour la campagne « T3allem 3oum » (en hommage à Omar Laâbidi). Amené au commissariat d’Ettadhamoun (proche de Tunis), il est accusé « d’association de malfaiteurs dans le but d’attaquer les personnes et les biens publics et privés ». Il aurait également été interrogé sur ses activités à Genève (il s’était déplacé à Genève lors de l’Examen périodique universel présenté par la Tunisie). Relâché le 23 octobre, il fait toujours, selon son avocat, l’objet de poursuites judiciaires et reste interdit de voyage. –
    Quatre années après, le 3 novembre 2022, le TPI de Ben Arous a condamné les quatorze policiers à deux ans pour « homicide involontaire » ; ces derniers ont interjeté appel. « Manish Msab » (je-ne-suis-pas-une-décharge) La décharge d’El Gonna à Agareb (dans le sud à 20 km de Sfax, deuxième grande ville du pays) date de 2008 pour une période d’exploitation de cinq ans par la société tuniso-italienne ECOTI. Elle se trouve à deux kilomètres de la ville et connaît des dépassements graves d’émissions polluantes (co2, H2s) sur toute la zone. Des soupçons de corruption pèsent gravement sur sa gestion notamment avec le scandale des déchets importés d’Italie. Mais l’Agence nationale de gestion des déchets entend prolonger l’exploitation jusqu’à fin 2022 provoquant la colère des habitants et des mobilisations d’une grande ampleur sous le slogan évocateur « Manish- Msab » (je-ne-suis-pas-une-décharge). La décharge est fermée à un jugement en 2019 dont l’exécution, à partir de 27 septembre 2021, a provoqué une crise inédite des déchets à Sfax. Le ministère de l’Environnement avait annoncé, le 8 novembre 2021, la reprise des activités de la décharge provoquant des manifestations réprimées violemment par les forces de police

Pendant le week-end du 14-15 mai 2022, trois jeunes sont arrêtés dans la région de Gabès, pour avoir réalisé un graffiti à l’effigie de Omar Laâbidi et exprimé pacifiquement leur solidarité avec la famille de la victime.

19 octobre 2022 : arrestation par des agents de la police en civil de Saif Ayadi membre de la LTDH Bardo, membre de l’association Damj et membre du collectif « t3allem 3Oum », alors qu’il assistait à une conférence organisée pour la campagne « T3allem 3oum » (en hommage à Omar Laâbidi). Amené au commissariat d’Ettadhamoun (proche de Tunis), il est accusé « d’association de malfaiteurs dans le but d’attaquer les personnes et les biens publics et privés ». Il aurait également été interrogé sur ses activités à Genève (il s’était déplacé à Genève lors de l’Examen périodique universel présenté par la Tunisie). Relâché le 23 octobre, il fait toujours, selon son avocat, l’objet de poursuites judiciaires et reste interdit de voyage.

Quatre années après, le 3 novembre 2022, le TPI de Ben Arous a condamné les quatorze policiers à deux ans pour « homicide involontaire » ; ces derniers ont interjeté appel.

Abderrazak Lachhab. Plusieurs animateurs du mouvement dont Chokri Bahri, Sami Bahri et Thameur Ben Khaled, ont été poursuivis devant les tribunaux pour « entraves à la liberté de travail ». Le 12 juin 2023, des peines ont été prononcées, allant de 8 mois à 2 ans de prison ferme, contre plus de 30 militants du mouvement anti-pollution.

Les activistes, cibles de l’esprit revanchard des forces de police

17 novembre 2021 : Arrestation de Marouane Houaidi, activiste pour le droit de l’accès à l’eau.

21 décembre 2021 : Myriam Bribri, activiste qui a critiqué la police, a été jugée. Le verdict : 4 mois de prison, et 500 DT d’amende. Le plaignant : Syndicat des forces de l’ordre.

14 janvier 2022 : arrestation de Mehdi Eleuch, juriste chercheur et militant, avec violence physiques et verbales et confiscation de son téléphone.

4 février 2022 : Hamza Nasri, militant LGBT, condamné à 3 mois d’emprisonnement.
24 mai 2022 : Aymen Kilani et Houssem Bougarasse, convoqués par la police suite au soutien qu’ils ont apporté aux 200 ouvriers limogés d’une usine à Zaghouan.
6 septembre 2022 : Arrestation de Ghassen Ben Khelifa, opposant et journaliste, coordinateur du mouvement « Isned » campagne nationale de soutien aux luttes sociales.

28 octobre 2022 : arrestation par la police d’Ahmed Bahaedine Hmada, blogueur et étudiant à la faculté des Sciences juridiques, son domicile perquisitionné, son téléphone et son ordinateur portable saisis. Il a créé une page « cité Ettadhamoun » qui recense les demandes des habitants du quartier. Le Procureur du Tribunal de Première Instance de Tunis a engagé contre lui des poursuites pénales sur la base des charges potentielles de « diffusion de fausses informations dans le but de semer la terreur parmi la population », conformément à l’article 24 du décret 54, et d’avoir « rejoint ou aidé une gang formé pour préparer ou commettre des atteintes aux personnes ou aux biens », aux termes des articles 131 et 132 du Code pénal tunisien. Ahmed Hamada avait publié des informations sur les manifestations sociales dans la cité d’Ettadhamoun, dans le grand Tunis, qui avaient débuté début octobre 2022, sur une page Facebook créée par lui pour dénoncer les violences policières et l’incapacité des autorités à s’attaquer aux causes des manifestations sociales. Sa garde à vue a pris fin le 1er novembre 2022. Son téléphone et son ordinateur portable ne lui ont pas été restitués.

Le 4 janvier 2023, le procureur de la République près le tribunal de première instance du gouvernorat de Kasserine a déclaré que son bureau avait ordonné l’arrestation du militant

Hamza Abidi, en vertu de l’article 24 du décret 54, pour avoir publié un message sur Facebook dans lequel il aurait incité les citoyens à manifester, déclarant que « la révolution était en cours ». Le 5 janvier 2023, le parquet a décidé d’abandonner les poursuites contre H. Abidi et de le libérer.

Manifestation de soutien à Wael Naouar, le 21 février 2023. Activiste politique et membre de l’association Damj, a comparu

10 mai 2023 : condamnation à 1 an d’emprisonnement de 4 jeunes de Kabbaria de l’association « Génération Anti-Marginalisation »

16 mai 2023 : arrestation de trois jeunes étudiants à la suite de leur publication d’une chanson critique à l’égard de la police.

Les protestations de la population

Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) documente depuis plusieurs années les mouvements sociaux en Tunisie. Le présent rapport ne fait mention que de quelques actions qui ont entrainé un usage de la force caractérisée.

3 octobre 2022 : la police réprime des travailleuses agricoles de Jebeniana, Sidi Bouzid et Kairouan (centre de la Tunisie) qui manifestent à Tunis. Les ouvrières dénonçaient leurs conditions de travail et leur marginalisation économique. Malmenées, certaines d’entre elles sont empêchées d’accéder à l’avenue Bourguiba. Finalement, elles sont toutes empêchées de protester devant le ministère des Affaires sociales. Le FTDES a dénoncé dans un communiqué « la violence psychologique et morale dont ces ouvrières ont été victimes ».

Répression violente contre les habitants de Zarzis qui ont manifesté, le 19 novembre 2022, pour exiger des autorités de prendre leur responsabilité envers les familles des disparus en mer. Les habitants de Zarzis protestent pendant plusieurs semaines, après le naufrage dans la nuit du 20 au 21 septembre 2022 d’une embarcation et où 18 migrants de la région ont disparu. Ils accusent l’État et les autorités régionales d’inaction et de négligence dans la recherche des corps. Leur colère est d’autant plus grande que les autorité ont inhumé par erreur quatre migrants tunisiens dans un cimetière privé (le jardin d’Afrique) réservé aux migrants subsahariens, sans qu’ils soient informés. Le 17 mai 2023, 18 jeunes zarzisiens sont convoqués.

4 janvier 2023 : condamnation par contumace, à 4 mois de prison ferme, de neuf ouvrières de chantier pour leur participation à un mouvement social à Skhira pour « entraves au travail » sur fond d’événements remontant à l’année 2020, lorsqu’elles ont manifesté devant la délégation(sous-préfecture) pour exiger la régularisation de leur situation. Elles ont signé un engagement de ne pas revenir pour protester, mais elles ont été surprises par la publication d’une décision prise en leur absence.

9 février 2023 Les travailleurs des « chantiers publics » se rassemblent devant le palais du gouvernement, place de la Kasbah pour exiger un statut et la fin de la précarité. Leur mouvement, selon la Coordination nationale des mouvements sociaux, a fait l’objet « d’arrestations aléatoires et de violences verbales et physiques ». Les personnes arrêtées ont également subi des violences, leurs téléphones portables ont été saisis, leurs données personnelles ont examinées.

8 mars 2023 : protestation des habitants de Behirine , délégation de Bargou ( gouvernorat de Seliana, nord de la Tunisie) contre l’installation d’une unité de fabrication d’eau considérée comme une menace directe à leur droit à l’eau : 17 personnes , dont 4 maintenues en détention, sont déférées devant la justice (Belhassen Bargaoui, Slim Bargaoui, Taoufik Nagati et Hichem Ezzine) pour « « constitution d’un rassemblement susceptible de troubler la tranquillité publique et avec l’intention de commettre un crime et de troubler la liberté du travail par l’usage de menaces ».

9 avril 2023 : agression par les milices pro-Kaïes Saied d’un sit-in des blessés de la révolution devant le théâtre municipal de Tunis.

11 avril 2023 : violences policières contre les supporters du club de football « Club africain » réunis dans la salle de sport de Gorjani ; des dizaines d’arrestation.

Violences policières dans les stades : 12 janvier 2023 : arrestations dans le stade de Rades. La police recourt à des chiens et à des bombes lacrymogènes pour disperser les supporters. 29 et 30 avril 2023 : arrestations massives et nombreux blessés. Lors du match opposant l’Espérance sportive de Tunis à la Jeunesse sportive de Kabylie, des supporters tentent d’entrer sur la pelouse, les agents de police sopposent à coups de matraques et de bombes lacrymogènes. Après l’incident, la police procède à l’arrestation de 31 personnes poursuivies pour « association de malfaiteurs dans le but d’attaquer des personnes et des biens. »

12 mai 2023 : convocation de six jeunes de la localité de « botria » à Jebeniana (près de Sfax) suite à leurs protestations contre les réseaux de passeurs.

18 mais 2023 : 23 jeunes de Moularès (bassin minier de Gafsa) sont condamnés à un an de prison ferme suite à un sit-in sur les sites de production de la Compagnie de phosphates CPG.

31 mai 2023 : Makrem Zarmdeni victime d’une grave violence policière : le drame a eu lieu devant le lycée Ibn Rachiq à Kairouan. Makram Zarmdeni, 16 ans, veut filmer l’arrestation d’un élève. Un agent de police en civil tente de lui arracher son portable. Tabassé au point de perdre l’usage d’un œil. Puis il était arrêté. Le juge d’instruction examine les vidéos de l’agression, auditionne les témoins et décide d’émettre un mandat de dépôt (contre l’élève). Les policiers étaient en civil rien n’indiquait qu’ils étaient en mission. (ce genre de faits sont rapportés dans plusieurs vidéos ou post Facebook mais très peu recensés)

Migrants subsahariens, racisme et négrophobie

9 juin 2022 : Déclaration de Fakher Fakhfakh, gouverneur de Sfax : l’enterrement des corps des migrants subsahariens n’aura pas lieu dans les cimetières musulmans.

5 juillet 2022 : après cinq jours de retard du vol Tunis Air, altercation entre voyageurs subsahariens et la police, huit subsahariens sont arrêtés. À la suite d’une longue attente de leur vol, des voyageurs subsahariens ont manifesté leur mécontentement. La police est intervenue et huit d’entre eux furent arrêtés. Dans un communiqué, l’Union des Etudiants et Stagiaires Sénégalais dit son mécontentement et dénonce le fait « de rester 5 jours entre l’aéroport et son domicile sans recevoir des nouvelles sur le prochain vol». Bien qu’ils comprennent « l’agonie de Tunis Air », ils dénoncent « le mépris et l’irrespect » dont ils sont victimes.

23 décembre 2022 : Le gouvernement de Najla Bouden décide, lors d’un Conseil ministériel, l’expulsion « dans les plus brefs délais » des « migrants de Choucha » en Tunisie depuis 2011. Le 24 février 2011 pour accueillir des Le camp de réfugiés de Choucha est situé dans le gouvernorat de Médenine à sept kilomètres du poste frontière de Ras Jedir et à 25 kilomètres de la ville de Ben Gardane. Il a été créé centaines de milliers de réfugiés fuyant la Lybie en guerre civile. La Tunisie ne disposant pas de loi sur l’asile, ni de système de traitement des demandes d’asile, les demandes sont déposées auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Plusieurs dizaines de migrants restent encore bloqués en Tunisie.

27 Février 2023 : manifestation contre le discours raciste et anti-migrants de K. Saied.

Orchestrées sur les réseaux sociaux depuis plusieurs mois, ces campagnes ont pris une autre ampleur après le communiqué officiel de la présidence de la République, émis par le Conseil de la sûreté nationale le 21 février 2023 affirmant que la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. S’en est suivie une série d’agressions contre les personnes d’Afrique subsaharienne ou visées comme telles en raison de leur couleur de peau (agressions physiques, expulsions de leurs logements…). Quelques centaines de manifestants protestent contre le discours de haine envers les migrants subsahariens, exigeant qu’il présente ses excuses. Les manifestant ont scandé « A bas le fascisme », « Non au racisme », « Président de la honte présente tes excuses » ;

23 mars 2023 : La police tunisienne arrête un jeune Tunisien au motif de sa solidarité avec les réfugiés en sit-in devant les locaux du HCR).

11 avril 2023 : La police déloge les migrants sit-inneurs devant l’UNHCR à l’appel de l’organisation. Arrestation de plusieurs migrants, certains sont poursuivis en justice. Procès 24 et 26 avril 2023 à Tunis.

10 – 18 mai 2023 : les autorités déclarent avoir retrouvé dix corps de migrants subsahariens au gouvernorat de Kasserine à la frontière avec l’Algérie.

Les violences à l’égard de la communauté LGBTQI+

La répression qui vise la communauté LGBTQI+ est caractérisée par des arrestations au coup par coup de membres de la communauté LGBTQI+ dont il est difficile de citer les noms – sans leur accord – ainsi que pour des raisons de protection des données personnelles.
Cette répression a redoublé en mai et juin 2022 avec plus de 59 procès en deux mois, sur la base d’articles criminalisant les identités de genre. En mars 2023, plus de 16 personnes transgenres ont été arrêtées.

Le délit de faciès pratiqué par les forces de l’ordre s’étend également aux personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile LGBTQI+ en Tunisie, qui ont été victimes ces derniers mois d’une vague de haine et de violence.

Des bâtiments situés dans le centre-ville et le nord de Tunis, abritant un grand nombre de migrantes subsahariennes de la communauté LGBTQI+, demandeurs d’asile et réfugiées, ont été attaqués les nuits des 20 et 23 février 2023 par un groupe d’individus armés de couteaux. Ces attaques ont fait suite aux déclarations du 21 février 2023 de K. Saied. Ces incidents graves ont causé de nombreux blessés et ont semé la peur et la panique. Les vidéos filmées ont documenté les attaques ainsi que les discours haineux à l’encontre des victimes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre.

21 mai 2023 : Le racisme tue à Sfax. Dans la nuit du 21 Mai 2023, un groupe de jeunes tunisiens ont attaquent un foyer de jeunes subsahariens à Sfax. Résultat : un mort et plusieurs blessés graves. Ce crime intervient après de nombreuses agressions contre des migrants subsahariens confortées par le discours de KS du 21 février 2023.

Les forces de l’ordre sont intervenues et ont arrêté 36 victimes parmi les demandeurs d’asile et les réfugiés, en les maltraitant et en se moquant des personnes transgenres, puis ils les ont renvoyés devant le tribunal malgré la présentation de leurs cartes de réfugiés et de demandeurs d’asile délivrées par le Haut-commissariat des Nations unies. Une partie de ces cartes a été détruite et dissimulée et ces éléments n’ont pas été inclus dans les procès-verbaux d’interrogatoire policier.

L’État a continué à dissimuler les violations lors de l’Examen périodique universel en répondant aux questions relatives aux droits de la communauté LGBTQI+. Lors de cet examen, il a divulgué de fausses informations qui ont ignoré toutes les recommandations et demandes adressées à l’État tunisien. Parmi ces fausses informations, l’État a prétendu que la Tunisie n’autorisait pas les examens anaux pour prouver les pratiques sexuelles entre personnes de même sexe, et a avancé des chiffres selon lesquels il n’y aurait eu que 3 cas fondés sur l’article 230 du code pénal en Tunisie depuis 2017 et qu’aucun examen anal n’aurait été pratiqué en 2022. Ces données sont fausses.

Le CRLDHT persiste et signe…tout en faisant peau neuve !

Sans jamais, depuis sa constitution en 1997, déroger de sa mission et de ses objectifs tels que clairement énoncés dans son intitulé, le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) aborde aujourd’hui, en 2023, une nouvelle étape de son existence.

Au terme de « mutation » laissant entendre un changement de démarche sur le fond, préférons-lui celui de « redéploiement » un redéploiement qui, à la faveur de ressources humaines, matérielles et financières supplémentaires doit permettre de pouvoir affronter tant sur le terrain de l’information et de la communication que sur ceux de la solidarité et du plaidoyer, la situation particulièrement dramatique que vit aujourd’hui la Tunisie à tous égards.

Redéploiement tout d’abord sur le plan de ses rangs, de nouvelles forces vives venant fort à propos abonder des rangs inévitablement vieillissants. Car si le noyau d’origine est toujours en majeure partie présent, l’usure du temps et les épreuves de la vie nous ont privés de plusieurs « vétérans ». Pour une structure associative créée voilà vingt-six ans, quoi de plus normal. Il s’agit à présent, progressivement, de réaliser un passage de témoin entre la génération « historique » qui fit de la dénonciation des atteintes aux libertés durant le régime de Ben Ali le fer de lance de nombre de ses actions et une génération pour qui l’année 2011 marque les débuts d’un engagement citoyen et l’obtention d’acquis incontestables, aujourd’hui remis en cause et que celle-ci entend bien défendre pied à pied.

Redéploiement ensuite sur le plan des outils, s’agissant de tirer le meilleur profit de moyens numériques désormais incontournables. Qu’il s’agisse de La lettre mensuelle électronique en trois langues dont voici ici le premier numéro, de la plateforme collaborative, de la construction d’un site web ou encore de la présence sur les réseaux sociaux. Le recours à ces supports ne peut qu’amplifier substantiellement ce que le Comité s’est employé à faire avec constance et pugnacité tout au long de son existence : communiqués, pétitions, rassemblements et manifestations, rencontres et débats, publications, interpellations des autorités, campagnes de libération, soutiens aux familles de prisonniers d’opinion et politiques, autant d’actions et d’activités dont la visibilité et l’audience ne peuvent que s’en trouver démultipliées.

Le site web offre également et enfin l’opportunité de pouvoir mettre à disposition du public et des militant.e.s la mémoire vive de notre association, autant d’archives de plusieurs natures qui, dans le no man’s land informatif qui régna avant 2011, peuvent contribuer à reconstituer un pan important de l’histoire de l’opposition démocratique.

Une appropriation autant professionnelle que militante de ces outils est d’autant plus importante aujourd’hui qu’au blackout de l’avant 2011 a succédé une avalanche d’informations où les risques de manipulation le disputent parfois à la médiocrité.

Il revient au Comité doté de nouvelles ressources humaines, logistiques et matérielles de répondre de façon fiable au besoin de disposer d’éléments d’analyse, de comparaison ainsi que de positionnements citoyens sans ambiguïté face à une situation dont trop souvent tout un chacun se défend de ne plus rien y comprendre.

Il revient aussi au Comité de réactiver et d’amplifier les réseaux de solidarité régionaux, européens, internationaux qui, en leur temps, furent essentiels pour dénoncer le recours à la torture, les violations des droits de l’homme, l’accaparement du pouvoir, la corruption des dirigeants et qui, à la faveur des premières années des Printemps arabes, ont curieusement perdu en efficacité alors que s’imposait dangereusement un virage populiste dans plusieurs pays, au Sud comme au Nord.

La société civile tunisienne de la période de la post-révolution a par ailleurs tout naturellement pris le relais voyant émerger nombre d’associations œuvrant sur des terrains proches voire similaires à ceux du Comité, un foisonnement d’initiatives auquel notre antenne en Tunisie fut partie prenante tandis que plusieurs représentations d’ONG prenaient leurs quartiers dans un pays devenu durant une décennie, en dépit de bien des aléas, une sorte de phare pour la région et qui, aujourd’hui, plient bagage compte tenu de la dégradation du climat politique.

De nouveau, aujourd’hui, face aux menaces qui pèsent sur le tissu associatif dédié à la défense des droits humains, sur la liberté d’expression, sur les libertés individuelles et collectives, la mission de plaidoyer en dehors de la Tunisie reprend toute son importance et tout son sens. La mise en réseau des différents collectifs qui œuvrent dans des conditions acrobatiques et souvent terribles comme en Egypte, en Syrie, en Algérie, au Soudan est plus que jamais indispensable a fortiori quand une nouvelle gangrène, celle de la xénophobie et du racisme monte en puissance, attisée de fait par les politiques sécuritaires d’une Union européenne qui ne voit plus dans les Etats du pourtour sud de la Méditerranée que des sas de sécurité. De cela aussi le CRLDHT, conforté dans sa mission de défense des droits humains, doit se faire l’écho comme il le fit hier face à la dictature policière de Ben Ali, comme il le fait depuis juillet 2021 face à la dérive autocratique de Kaïes Saïed.

Pour la libération des détenu.es politiques et d’opinion (pétition d’universitaires)

Suite à la campagne d’arrestations, qui a touché des dizaines d’opposant.es et d’activistes, ciblant pêlemêle anciens députés et ministres, chefs de partis, journalistes, avocat.es, juges, défenseur.es des droits et blogueurs, arrestations qui se sont distinguées par leur caractère spectaculaire, la démonstration de force et l’intimidation.

En raison de la détention des prévenu.es qui croupissent dans les prisons depuis des mois sans droit ni procès équitable du fait de poursuites pénales intentées sur la base de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et à la prévention du blanchiment d’argent (loi organique n° 2015- 26) et d’accusations surréalistes de «complot contre la sûreté de l’État, d’incitation à la guerre civile, de blanchiment d’argent, de collusion avec des pays étrangers, de diffusion de fausses nouvelles, d’offense au chef de l’Etat, voire d’attentat à sa vie».

La machine répressive s’est emballée contre toute voix dissidente au pouvoir en place. La persécution des opposant.es s’est intensifiée dans un contexte où se sont multipliées les déclarations du chef de l’Etat qualifiant les détenus de « traîtres et de conspirateurs », estimant que « l’histoire les a condamnés avant jugement », exerçant par là même une pression sans précédent sur la justice, en proclamant, par exemple : « Qui a l’audace de les acquitter est leur complice ». Face à cette vague répressive,

Nous, universitaires, enseignant-e-s et chercheures des facultés, instituts supérieurs, écoles et autres académies ou laboratoires de sciences juridiques, politiques, administratives et de gestion, signataires de la présente pétition,

– appelons, pour les raisons qui suivent, à la libération immédiate et sans exclusive de tous les prisonniers politiques et d’opinion, incarcérés sans droit ni jugement.

1) Parce qu’il a été établi, sur la foi des avocat-e-s du Comité de défense des détenu-e-s, que les « dossiers sont vides de toute charge » ; qu’ils ne contiennent aucun élément d’incrimination et qu’ils sont dépourvus de toute preuve qui pourrait être invoquée à bon droit ;

2) Parce qu’aucune arme, munition ou explosif, ni matériel, dispositifs ou attirails en réserve pour commettre un crime terroriste ou faciliter sa commission n’ont été saisis lors des perquisitions des domiciles des détenus ;

3) Parce que l’incrimination du complot contre la sûreté de l’État, basée sur l’expertise des ordinateurs et la fouille des téléphones portables des détenu.es, n’a abouti à rien d’autre qu’à exhumer quelques correspondances, échanges et messages ordinaires qui ne constituent en aucun cas des actes terroristes, encore moins des actes criminels ;

4) Parce qu’il est de principe général de droit que « Si le moyen n’est pas établi, l’accusé est libéré » ; qu’à défaut, il y a soupçon sur les visées réelles de prolonger et d’ajourner l’instruction, manœuvres dilatoires qui contredisent le caractère exceptionnel de la détention préventive ;

5) Parce que les lenteurs de l’instruction dans l’affaire en question sont avérées ; que chaque détenu n’a été interrogé, par le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, qu’une seule fois, à la fin de la période de garde à vue ; que l’instruction s’est interrompue depuis lors, sans qu’il soit procédé à aucun nouvel interrogatoire, ni audition des témoins, ni confrontation, ni expertise.

6) Parce que les lois antiterroristes sont des lois spéciales, qu’elles ne peuvent être appliquées aux faits, actes et opinions politiques participant généralement de la vie démocratique concurrentielle et disputée, actions politiques qui représentent le droit minimum de chaque citoyen.ne de participer à la vie publique de son pays ;

7) Parce que les décrets-lois et les décrets adoptés sur la base des mesures exceptionnelles, y compris le décret-loi n° 54 2022 du 13 septembre 2022 relatif à la lutte contre la criminalité liée aux systèmes d’information et de communication, sont entachés de violations flagrantes de la légalité et de la légitimité constitutionnelles ; qu’ils sont par suite nuls et non avenus.

8) Parce que dans les affaires en cours, les composantes du procès équitable font défaut, notamment la présomption d’innocence, selon laquelle le prévenu est considéré innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit prouvée dans un procès public et équitable ; qu’elle interdit en conséquence l’incarcération sur présomption de culpabilité.

– Par conséquent et pour toutes ces raisons qui interpellent la conscience du droit, Nous, signataires de la présente pétition, renouvelons notre appel pour la libération immédiate et totale de tous les détenus politiques et d’opinion, incarcérés depuis des mois sans droit ni procès équitable.

Tunis, 08 juin 2023

SIGNATAIRES (ORDRE DE RECEPTION DES SIGNATURES)

Walid Larbi Assistant de droit public, Institut supérieur de gestion, Bizerte 2. Sana ben Achour Professeure de droit public, FSJPS, Tunis -Ariana 3. Hamadi Redissi Professeur de Sciences politiques, FSJP, Tunis- Campus 4. Yadh ben Achour Ancien Doyen, Professeur de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 5. Hatem Mrad Professeur de Sciences politiques, FSJPS, Tunis-Ariana 6. Mejda Mrabet Professeure de droit public, FSJEG, Jendouba 7. Slim Laghmani Professeur de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 8. Lamia Neji Maître de conférences de droit public, Faculté de droit, Sfax 9. Aïda Gtata Maître de conférences de droit public, Faculté de droit, Sfax 10. Ridha Jenayeh Professeur de droit public, FSJP, Sousse 11. Monia Ben Djemia Professeure de droit privé, FSJPS, Tunis-Ariana 12. Kamal Ben Messaoud Professeur de droit public, FSJP, Tunis- Campus 13. Kalthoum Mziou Ancienne doyenne, Professeure de droit privé, FSJPS, Tunis- Ariana 14. Naji Baccouche Ancien Doyen, Faculté de droit, Sfax 15. Wahid Ferchichi Professeur de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 16. Mouna Kraiem Maître de conférences de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 17. Chaker El Houki Assistant de droit public, FSJP, Tunis-campus 18. Meryam Ben Salem Professeure de sciences politiques, FSJP, Sousse 19. Ahmed Essoussi Professeur de droit public, FSJP, Sousse 20 Sami Jerbi Professeur de droit public, FSJP, Sousse 21. Hatem Latrach Assistant de droit privé, Ecole supérieure de sciences économiques et commerciales, Tunis. 22. Asma Ghachem Maître-Assistante de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 23. Sami Kraiem Maître de conférences de droit privé, faculté de droit de Sfax 24. Hager Ben Cheikh Ahmed Assistante de droit public, université de Carthage 25. Abdelkader Fatallah Professeur de droit public, FSJP, Sousse 26. Asma Nouira Maître de conférences de Sciences politiques, FSJP, Tunis-Campus 27. Youssef Belyouni Assistant de droit Privé, FSJP, Tunis-Campus 28. Adel Essahli Assistant de droit Privé, l’Institut supérieur de gestion, Tunis 29. Monia Kari Assistante de droit privé, FSJPS, Tunis- Ariana 30 Iqbal Ben Moussa Assistante de droit public, FSJP, Tunis -Campus 31. Ahmed Driss Professeur de droit public, L’Ecole politique de Tunis 32. Jalila Bouzouita Professeure de droit public, FSJP, Sousse 33. Abdelwaheb Maâtar Professeur de droit public, faculté d’économie et de gestion, Sfax 34. Mohamed Said Professeur de droit privé, FSJP, Sousse 35. Sonia El Ferjani Maitre- Assistante de droit public, FSJP, Sousse 36. Kamel Rezgui Maître-assistant de droit public, Institut supérieur des études technologiques et des communications 37. Lamia Mansouri Assistante de droit public, FSJEG, Jendouba 38. Sahbi Khalfaoui Assistante de sciences politiques, FSJEG, Jendouba 39. Mehdi ben Jemaâ Assistante de droit public, FSJPEG, Jendouba 40. Moez Charfeddine Maitre-assistant de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 41. Souhayma ben Achour Professeure de droit privé, FSJPS, Tunis- Campus 42. Fatma Raach Maître-assistante de droit public, FSJEG, Jendouba 43. Nouha Chaouachi Maître de Conférences de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 44.Hanen Ben Ali Maitre de conférences, FSJEG, Jendouba 45.Nadhir Ben Ammou Professeur de droit privé, FSJP, Tunis-Campus 46. Chokri Khmira Maître-Assistant de sciences politiques, FSJPS, Tunis-Campus 47. Sghaier Zakraoui Professeur de droit public, FSJP, Tunis-Campus 48. Ali Ninni Professeur de droit privé, FSJP, Tunis- Campus 49. Imen Belhouane Assistante de droit public, Institut supérieur d’Informatique, Ariana 50. Sana Ouachtati Assistante de droit public, FSJPS, Tunis-Ariana 51. Hatem Kotrane Professeur de droit Privé, FSJPS, Tunis-Arina 52. Amor Boubakri Maître de conférences en sciences politiques, FSJP, Sousse 53 Abderrazek Mokhtar Sciences politiques, FSJP, Sousse 54. Salwa Hamrouni Professeure de droit public, FSJPS, Tunis 55. Raya Choubani Maître de conférences de droit public. FSJPS, Tunis 56. Salsabil Klibi Assistante de droit Public, FSJPS, Tunis- Campus

Résolution Parlement européen

P9_TA (2023)0084 (cette résolution a été exceptionnellement publiée en langue arabe) Tunisie : récentes atteintes à la liberté d’expression et d’association et attaques contre les syndicats, en particulier le cas du journaliste Noureddine Boutar
Résolution du Parlement européen du 16 mars 2023 sur les récentes atteintes à la liberté d’expression et d’association et attaques contre les syndicats en Tunisie, en particulier le cas du journaliste Noureddine Boutar (2023/2588(RSP)


Le Parlement européen,
– vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

  1. considérant que le président Saied exerce seul le pouvoir depuis le 25 juillet 2021, qu’il a démis le gouvernement, dissous l’Assemblée, aboli la constitution de 2014, l’Instance supérieure et indépendante des élections, le Conseil supérieur de la magistrature et tous les conseils municipaux et révoqué 57 juges ;
  2. considérant que, le 13 février 2023, des unités antiterroristes ont arrêté le journaliste Noureddine Boutar, directeur de la plus grande station de radio indépendante de Tunisie, pour des motifs politiques et des allégations infondées, aux côtés d’une douzaine de voix de l’opposition, dont Chaïma Issa, Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi, Khayem Turki et Jaouhar Ben Mbarek; qu’un tribunal militaire a condamné le journaliste Salah Attia à trois mois d’emprisonnement et qu’un tribunal anti-terroriste a condamné le journaliste Khalifa Gasmi à un an de prison; que, le 24 février 2023, la police a fait une descente dans les locaux du journal OneTN; que les journalistes arrêtés ont été qualifiés de «terroristes» et de «traîtres»;
  3. considérant qu’un certain nombre de décrets présidentiels ont porté atteinte aux institutions, aux droits et aux libertés démocratiques, y compris le décret-loi no 54 sur la cybercriminalité, qui impose des peines de cinq ans d’emprisonnement pour diffusion de fausses informations ;
  1. considérant que les migrants subsahariens ont été faussement accusés de chercher à remplacer démographiquement les Tunisiens et ont ensuite été la cible d’attaques ;
  2. considérant que le représentant syndical Anis Kaabi a été arrêté le 31 janvier 2023, que plus de 36 syndicalistes ont été poursuivis pour grève, qu’Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, a été expulsée de Tunisie le 23 février 2023 et que les syndicats de six pays de l’Union ont été interdits d’entrée ;
  3. considérant que le projet de loi sur les ONG prévoit « l’approbation préalable des ONG par le gouvernement et l’approbation de la Banque centrale pour les financements étrangers » ;
  1. prie instamment les autorités tunisiennes de libérer immédiatement Noureddine Boutar et toutes les autres personnes détenues arbitrairement, y compris les journalistes, les juges, les avocats, les militants politiques et les syndicalistes comme Anis Kaabi, et de respecter la liberté d’expression et d’association ainsi que les droits des syndicats et des travailleurs, conformément à la constitution tunisienne et aux traités internationaux, y compris les conventions de l’OIT; condamne l’expulsion d’Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, et la criminalisation de la solidarité syndicale internationale, qui constitue une attaque flagrante contre l’UGTT et le syndicalisme mondial;
  2. invite le gouvernement tunisien à garantir le dialogue social, à respecter les conventions collectives et à prendre des mesures pour faire face à la crise du coût de la vie ;
  3. est profondément préoccupé par la dérive autoritaire du président Saied et par son instrumentalisation de la situation socio-économique désastreuse de la Tunisie pour renverser la transition démocratique historique du pays ; demande dès lors qu’il soit mis fin à la répression en cours à l’encontre de la société civile ;
  4. prie instamment les autorités de rétablir immédiatement les juges qui ont été révoqués arbitrairement, d’annuler toutes les mesures qui portent atteinte à l’indépendance de la justice et de mettre fin au recours aux tribunaux militaires pour poursuivre des civils ; déplore le refus des autorités de se conformer à l’ordonnance du tribunal administratif qui enjoint de rétablir 49 juges ;
  5. prie instamment le vice-président de la Commission/haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et les États membres de dénoncer publiquement la grave détérioration de la situation des droits de l’homme; souligne que les programmes spécifiques de soutien de l’Union aux ministères de la justice et des affaires intérieures devraient être suspendus; invite la délégation de l’Union et les États membres à suivre les procès politiques, à y assister et à engager un dialogue régulier avec la société civile;
  6. rappelle que la préservation des institutions représentatives est fondamentale pour le développement du pays ; se déclare profondément préoccupé par le projet de loi sur les ONG ; souligne l’importance d’un dialogue national inclusif et d’une société civile libre et forte, avec notamment le Quartet du dialogue national tunisien, lauréat du prix Nobel de la paix, et en particulier l’UGTT ;
  1. condamne fermement le discours raciste du président Saied contre les migrants subsahariens et les attaques qui ont suivi ; invite les autorités à se conformer aux lois internationales et nationales, notamment à la loi no 50-2018 contre la discrimination raciale ;
  2. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au SEAE, au vice-président de la Commission /haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au président de la Tunisie, au gouvernement de la Tunisie et à l’Assemblée des Représentants du peuple.

Tunisie : Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme appelle les autorités à cesser de restreindre la liberté des médias et de criminaliser le journalisme indépendant.

GENÈVE (23 juin 2023) – Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a exprimé vendredi sa profonde préoccupation face aux restrictions croissantes du droit à la liberté d’expression et à la liberté de la presse en Tunisie, notant qu’une législation vague est utilisée pour criminaliser le journalisme indépendant et étouffer les critiques des autorités.

« Il est troublant de voir la Tunisie, un pays qui nourrissait autrefois tant d’espoir, régresser et perdre les acquis en matière de droits humains de la dernière décennie », a déclaré Volker Türk.
« La répression menée plus tôt cette année contre les juges, les responsables politiques, les dirigeants syndicaux, les hommes d’affaires et les acteurs de la société civile s’est maintenant étendue aux journalistes indépendants, qui sont de plus en plus harcelés et empêchés de faire leur travail », a-t-il déclaré. « J’exhorte la Tunisie à changer de cap. »

Au cours des trois derniers mois, les autorités tunisiennes ont eu recours à cinq reprises à une législation formulée en termes vagues pour interroger, arrêter et condamner six journalistes. Cela inclut la législation sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme et le décret présidentiel no 2022-54 sur la cybercriminalité, qui contient des dispositions ambiguës passibles d’amendes punitives et de longues peines de prison pour la publication ou la diffusion de fausses nouvelles, informations ou rumeurs présumées, et autorise les agents des forces de l’ordre à accéder à tout système ou dispositif d’information, pour inspection et collecte de données stockées.

Dans la majorité de ces cas, les restrictions imposées à la liberté d’expression de ces journalistes ne semblent pas respecter les exigences strictes du droit international relatif aux droits humains, notamment les principes de nécessité et de proportionnalité.
Depuis juillet 2021, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Tunisie a documenté 21 cas de violations présumées des droits de l’homme contre des journalistes, y compris des poursuites devant des tribunaux civils et militaires. Il y a des raisons de croire que ces poursuites ont été engagées pour contrer les critiques publiques à l’encontre du Président de la République ou des autorités. En vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, toutes les personnalités publiques, y compris les chefs d’État, peuvent légitimement faire l’objet de critiques.

Le 15 juin, le Bureau du Parlement a décidé d’interdire aux journalistes de couvrir les réunions des commissions parlementaires. Le 17 juin, un juge a interdit aux médias de couvrir deux affaires présumées de « complot contre la sûreté de l’État » dans lesquelles des dizaines de personnes ont été poursuivies et détenues depuis la mi-février.

« Ces décisions sapent le principe de transparence dans les affaires publiques. Les gens ont le droit d’être informés et pour ce faire, les journalistes doivent pouvoir faire leur travail sans aucune restriction indue », a déclaré le Haut-Commissaire.
« Faire taire les voix des journalistes, dans un effort concerté, sape le rôle crucial des médias indépendants, avec un effet corrosif sur la société dans son ensemble », a-t-il déclaré.

La Haut-Commissaire a appelé les autorités tunisiennes à respecter les garanties d’une procédure régulière et les normes d’équité des procès dans toutes les procédures judiciaires, à cesser de juger des civils devant des tribunaux militaires et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris toute personne détenue pour avoir exercé son droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations.

EXTRAITS de l’Accord d’association signé en 1995 et entrée en vigueur le 1 mars 1998.

Journal officiel des Communautés européennes L 97/2 30.3.98
ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN établissant une association entre la Communauté

européenne et ses États membres, d’une part, et la République tunisienne, d’autre part

CONSIDÉRANT l’importance des liens traditionnels existant entre la Communauté, ses États membres et la Tunisie et des valeurs qui leur sont communes ;
CONSIDÉRANT que la Communauté, les États membres et la Tunisie souhaitent renforcer ces liens et instaurer durablement des relations fondées sur la réciprocité, le partenariat et le codéveloppement ; CONSIDÉRANT l’importance que les parties attachent au respect des principes de la charte des Nations unies et, en particulier, au respect des droits de l’homme et des libertés politiques et économiques qui constituent le fondement même de l’association ; CONSIDÉRANT les évolutions de nature politique et économique enregistrées au cours de ces dernières années sur le continent européen et en Tunisie ;

CONSIDÉRANT les progrès importants de la Tunisie et du peuple tunisien vers la réalisation de leurs objectifs de pleine intégration de l’économie tunisienne à l’économie mondiale et de participation à la communauté des États démocratiques ;
CONSCIENTS de l’importance du présent accord, reposant sur la coopération et le dialogue, pour la stabilité durable et la sécurité dans la région euro-méditerranéenne ;

CONSCIENTS, d’une part de l’importance des relations se situant dans un cadre global euro- méditerranéen et, d’autre part, de l’objectif d’intégration entre les pays du Maghreb ; FR Journal officiel des Communautés européennes L 97/3 30.3.98
TENANT COMPTE de la différence du niveau de développement économique et social existant entre la Communauté et la Tunisie et désireux d’atteindre les objectifs de la présente association par les dispositions appropriées de cet accord ;

DÉSIREUX d’établir et de développer un dialogue politique régulier sur les questions bilatérales et internationales d’intérêt commun ;
TENANT COMPTE de la volonté de la Communauté d’apporter à la Tunisie un soutien significatif à ses efforts de réforme et d’ajustement sur le plan économique, ainsi que de développement social ;

CONSIDÉRANT l’option prise respectivement par la Communauté et la Tunisie en faveur du libre-échange dans le respect des droits et des obligations découlant de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ;
DÉSIREUX d’instaurer une coopération, soutenue par un dialogue régulier, dans les domaines économique, social et culturel afin de parvenir à une meilleure compréhension réciproque ; CONVAINCUS que le présent accord créera un climat propice à l’essor de leurs relations économiques et, plus particulièrement dans les secteurs du commerce et des investissements qui sont déterminants pour la restructuration économique et la modernisation technologique,

SONT CONVENUS DES DISPOSITIONS QUI SUIVENT :

Article premier
1. Il est établi une association entre la Communauté et ses États membres, d’une part, et la

Tunisie, d’autre part.
2. Le présent accord a pour objectifs: — de fournir un cadre approprié au dialogue politique entre les parties afin de permettre le renforcement de leurs relations dans tous les domaines qu’elles estimeront pertinents au titre d’un tel dialogue, — de fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux, — de développer les échanges et d’assurer l’essor de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties, à travers le dialogue et la coopération notamment, afin de favoriser le développement et la prospérité de la Tunisie et du peuple tunisien, — d’encourager l’intégration maghrébine en favorisant les échanges et la coopération entre la Tunisie et les pays de la région, — de promouvoir la coopération dans les domaines économique, social, culturel et financier.

Article 2
Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme qui inspirent leurs politiques internes et internationales et qui constituent un élément essentiel de l’accord.

TITRE I DIALOGUE POLITIQUE

Article 3
1. Un dialogue politique régulier est instauré entre les parties. Il permet d’établir entre les partenaires des liens durables de solidarité qui contribueront à la prospérité, à la stabilité et à la sécurité de la région méditerranéenne et développeront un climat de compréhension et de tolérance entre cultures.

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Tunisie : le retour de la répression. CRLDHT. Juin 2023

2. Le dialogue et la coopération politiques sont destinés notamment à :
a) faciliter le rapprochement des parties par le développement d’une meilleure compréhension réciproque et par une concertation régulière sur les questions internationales présentant un intérêt mutuel ;
b) permettre à chaque partie de prendre en considération la position et les intérêts de l’autre partie ; c) œuvrer à la consolidation de la sécurité et de la stabilité dans la région méditerranéenne et au Maghreb en particulier ;
d) permettre la mise au point d’initiatives communes.

Article 4
Le dialogue politique porte sur tous les sujets présentant un intérêt commun pour les parties et, plus particulièrement, sur les conditions propres à garantir la paix, la sécurité et le développement régional en appuyant les efforts de coopération, notamment au sein de l’ensemble maghrébin.

Article 5
Le dialogue politique sera établi, à échéances régulières et chaque fois que nécessaire, notamment :
a) au niveau ministériel, principalement dans le cadre du Conseil d’association ;
b) au niveau des hauts fonctionnaires représentant la Tunisie, d’une part, et la présidence du Conseil et la Commission, d’autre part ;
c) à travers la pleine utilisation des voies diplomatiques et, notamment les briefings réguliers, les consultations à l’occasion de réunions internationales et les contacts entre représentants diplomatiques dans des pays tiers ;
d) en cas de besoin, à travers toute autre modalité susceptible de contribuer à l’intensification et à l’efficacité de ce dialogue.

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Tunisie : le retour de la répression. CRLDHT. Juin 2023

Créé en 1996, Le Comité pour le respect les libertés et les droits de l’homme en Tunisie – CRLDHT s’est donné pour but :

  1. 1-  d’œuvrer pour la promotion des valeurs démocratiques et le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie tels que définis par la communauté internationale.
  2. 2-  d’agir pour la promotion des valeurs humanistes et en particulier la liberté de conscience et l’égalité entre les sexes ;
  3. 3-  de promouvoir les liens de solidarité avec les peuples du Maghreb et entre les deux rives de la Méditerranée ;
  4. 4-  de militer pour la libération de tous les prisonniers d’opinion et pour la promulgation d’une amnistie générale.

Le CRLDHT a contribué depuis sa création au renforcement de la société civile tunisienne au travers d’un approfondissement réel du débat démocratique en son sein. Il a acquis une capacité à fédérer les différents secteurs de la mouvance démocratique autour d’une défense inconditionnelle des personnes menacées en raison de leurs opinions politiques ou de leur conscience notamment pendant la période la plus sombre de la dictature de Ben Ali. Le CRLDHT a accumulé une expérience et un travail important de documentation des violations et de plaidoyer.

Le CRLDHT est membre d’EuroMed-Droits et du Réseau EuroMed France (REF). Il a des liens de partenariat avec l’ensemble des associations tunisiennes dont en particulier la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH), l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), le Forum tunisiens pour les droits économiques et sociales, l’Union générale des travailleurs de Tunisie (UGTT)… Il entretient des relations avec toutes les sensibilités politiques tunisiennes qui œuvrent pour la démocratie. Il développe des rapports avec les organisations internationales, arabes et françaises qui œuvrent dans le champ des droits humains : Ligue française des droits de l’homme et du citoyen (LDH), Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), Amnesty International (AI), Reporters sans frontières(RSF), Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Human Rights Watch (HRW), Institut du Caire pour les études des droits de l’homme (CIHRS), Coordination maghrébine des organisation des droits de l’homme (CMODH), Forum social Maghrébin (FSM Maghreb).