Riposte Internationale

Trois ONG écrivent au Président du CDH au sujet des violations des droits humains au Maroc

Rabat, Paris, New York, le 12 février 2024

Rendu public le 07 mars 2024

À l’attention de Monsieur Omar ZNIBER,
Président du Conseil des droits de l’Homme
Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme
Palais Wilson
52 rue des Pâquis
CH-1201 Genève, Suisse


Objet : Mettre fin aux violations des droits humains au Maroc, État partie au
Pacte Relatif aux Droits Civils et Politiques

Monsieur le Président,

Nouvellement élu, nous nous permettons de vous écrire en notre qualité d’associations des droits humains qui s’intéressent particulièrement au respect des droits humains au Maroc.

Nous espérons attirer votre attention sur des atteintes graves et continues des droits humains au Maroc, État membre de votre honorable Conseil.

L’instance des droits de l’Homme de l’ONU, que vous présidez, si elle est apte à répondre aux milliers de plaintes relatives aux violations des droits de l’Homme dans le monde, ne peut être insensible aux graves détériorations et atteintes en matière de droits humains au Maroc.

Le refus ou l’empêchement de plusieurs rapporteurs, spéciaux à effectuer des visites au Maroc sans restrictions ni pression, l’absence de coopération avec l’ensemble des mécanismes de l’ONU et le harcèlement des défenseurs des droits humains, journalistes et activistes pour des droits socio économiques…sont de multiples écueils que vous êtes -de part de votre honorable mission et expertise en capacité d’évaluer et de combattre afin de mettre fin à ces injustices.

Ces dernières années ont vu le pouvoir marocain se lancer dans une campagne de répression et de harcèlement de celles et de ceux qui militent pacifiquement pour leurs droits. La répression ne peut masquer les échecs cuisants de la politique économique et sociale dans le pays en total déphasage avec les engagements du Maroc en matière des droits humains.

Le Maroc connait une intensification sans précédent de la répression contre celles et ceux qui expriment des opinions critiques contre les politiques de l’État, ou engagent un combat démocratique et pacifique pour faire appliquer le DROIT et seulement le DROIT.

Depuis la répression du mouvement social (dit le Hirak) du Rif en 2017, qui s’est traduite par des condamnations très lourdes, allant de un an à vingt ans de prison ferme, des atteintes inédites à la liberté d’expression frappent de plein fouet toute voix dissidente, et même les personnes exprimant pacifiquement des revendications sociales légitimes.

La tendance sécuritaire, choisie et assumée par les autorités va jusqu’à bâillonner la presse libre, et emprisonner des journalistes pour des motifs fallacieux montés de toutes pièces les condamnant à des peines d’emprisonnement de cinq, six et jusqu’à quinze ans de prison ferme (Omar RADI, Soulaiman RAISSOUN, Taoufik BOUACHRINE…),

Le contrôle des réseaux sociaux, derniers espaces d’expression, n’a pas échappé à cette règle, pour faire taire toute voix qui s’y exprime. Cette répression se fait par l’arrestation et les condamnations iniques d’activistes et de bloggeurs avec des condamnations très lourdes (Saida EL ALAMI, Rida BENOTMANE), et l’ancien bâtonnier et ancien ministre âgé de plus de quatre-vingts ans, Maître Mohamed ZIANE, condamné en novembre 2022 à trois ans de prison ferme pour son franc parler.

Des militants sahraouis subissent le même sort avec des peines trop lourdes, particulièrement des détenus appelés Groupe de Gdim Ezzig.

En conformité avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, et de l’ensemble des instruments relatifs aux Droits Humains ratifiés par le Maroc, cette régression manifeste de la situation des droits humains, caractérisée par ces atteintes aux libertés, vous et nous interpelle et mérite nos attentions et
votre précieux concours pour interroger les autorités marocaines sur la base
des faits mentionnés (voir le rapport ci-joint).

Nous, associations des droits Humains signataires, considérons que ces pratiques sont non seulement inacceptables mais également assez préoccupantes pour la communauté internationale pour exiger votre intervention.

Notre démarche, relayée par de nombreuses associations et personnalités de renommée mondiale, est expressément appuyée par le Comité International pour la libération des détenu-e-s politiques et d’opinion au Maroc, récemment créé.

Par cette lettre, nous sollicitons votre intervention pour rappeler au Maroc ses engagements et la nécessité de les appliquer en libérant tous les prisonnierEs politiques et d’opinion, détenus pour leur expression pacifique. D’autant plus que plusieurs mécanismes relevant du conseil même que vous présidez ont déjà exprimé des avis et publié des rapports sur les atteintes aux droits et libertés au Maroc, à savoir :

  • les avis du groupe de travail sur la détention arbitraire qui a demandé au Maroc de libérer les journalistes Taoufiq Bouachrine et Soulaiman Raissouni, ainsi que Abdelkader Bellirej et les détenus sahraouis de Gdim Izzig, et bien d’autres détenus d’opinion au Maroc.
  • le CAT, (Comité pour l’abolition de la torture) qui a examiné les plaintes de plusieurs détenus et qui a confirmé qu’ils ont été victimes de torture
  • Plusieurs rapporteurs spéciaux qui ont publié des rapports sur les atteintes aux droits humains au Maroc, tels que le rapporteur spécial sur la situation des défenseurs, le rapporteur spécial sur la liberté d’expression, le rapporteur spécial sur la liberté d’association et de réunion pacifique, etc

Il s’avère d’une extrême urgence de diligenter une mission pour enquêter sur les conditions de détention et l’état de santé des détenu-e-s d’opinion dans les prisons marocaines suite aux diverses grèves de la faim assez fréquentes.

Nous espérons, monsieur le Président, qu’au vu des éléments soumis à votre attention d’abord, et, à l’attention des diverses instances onusiennes compétentes, votre action sera significative pour l’application des recommandations et exigences clairement énoncées par l’Organisation des Nations Unies.

Tout en restant attentifs à vos résolutions et propositions, et en souhaitant demeurer à votre disposition, nous vous prions, Monsieur le Président, de croire à notre sincère considération.

Les signatures
Pour l’AMDH,
Le président Aziz RHALI
Siège Central : Imm 6, Appt 1.،
Rue Aguensous Av. Hassan II,
Rabat-Maroc
amdh1@mtds.com

Pour le HRC-AN,
Le président : Belaid ELBOUSKY
30-40 Street Apt A4 Astoria
NY 11103 -USA
Mail : cdh.hcr@gmail.com

Pour l’ASDHOM,
Le président, Saïd SOUGTY
23, rue du Maroc
75019 Paris-France
Mail : asdhomddh@gmail.com