Le changement en Algérie : osons le débat

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Par Said Salhi – Défenseur des droits humains, ex-vice-président de la LADDH dissoute arbitrairement

Le changement… Mais de quel changement parle-t-on ?

Tout le monde parle aujourd’hui de changement. Absolument tout le monde, y compris les figures du régime, qui s’en réclament désormais sans la moindre gêne. Mais de quel changement s’agit-il réellement ?
Il est temps d’oser le débat. Et chacun devrait avoir le courage et l’honnêteté de nommer les choses clairement et d’expliquer ce qu’il entend par « changement ».

De mon expérience, de mon parcours personnel et de mes convictions profondes, je suis convaincu qu’il ne peut y avoir de véritable changement sans s’attaquer sérieusement à trois questions fondamentales qui bloquent, depuis des décennies, à la fois le pouvoir et la société :
La religion, l’identité, l’armée.

Ce sont les trois lignes de fracture qui, tant qu’elles ne seront pas assumées et dépassées, continueront de freiner toute transition réelle vers un État de droit, démocratique et civil — celui que le peuple attend depuis la guerre de libération.

Le Hirak : un moment de vérité… refermé trop vite

Le Hirak a permis, pour la première fois depuis longtemps, l’émergence de débats profonds autour de ces sujets longtemps tabous. Mais au lieu d’accompagner cette dynamique, l’armée a refermé la parenthèse. Comme elle l’avait déjà fait dans d’autres moments de l’histoire.

Le slogan « Dawla madania, machi ‘askaria » résumait parfaitement une revendication centrale : un État civil, non militaire. Mais il faut aller plus loin : il faut aussi un État non théocratique.

Le vrai changement ne consiste pas à remplacer des visages ou à organiser de faux scrutins, démocratiques, pluralistes, inclusives.

Un État égalitaire et protecteur pour toutes et tous

Nous avons besoin d’un État moderne qui :
accepte la pluralité et protège la diversité sous toutes ses formes,
garantit les libertés fondamentales et l’égalité entre tous les citoyen·ne·s,
s’aligne sur les standards universels des droits humains,
rejette toute discrimination et exclusion.

Une algérianité apaisée et inclusive est aussi une condition essentielle : qui assume ses composantes amazighes, arabes, musulmanes, mais aussi chrétiennes, juives, athées, hommes et femmes, du Nord au Sud.

Le véritable changement commence ici :
par le retrait de l’armée et de la religion du champ politique,
et par la construction d’un État où chacun·e peut vivre, penser, croire ou ne pas croire, sans tutelle ni exclusion.

C’est à ces conditions que pourra naître la République que le Hirak portait dans les cœurs :
démocratique, sociale, civile, inclusive.

Vers une gouvernance démocratique et territorialisée

Il est inconcevable de continuer à gérer un pays-continent exclusivement depuis Alger.
Il est temps de penser une régionalisation positive qui rapproche l’administration du citoyen, donne aux populations locales les moyens de s’exprimer, et renforce une démocratie de proximité.

Changer la société et le pouvoir, sur le court et le long terme

Aït Menguellet le disait :

Celui qui veut le changement doit commencer par soi-même.

Le changement est un processus long, à la fois sur les mentalités et sur les rapports de force politiques.
Durant le Hirak, j’ai défendu avec mes camarades l’idée d’une transition démocratique, négociée et pacifique, fondée sur un double compromis :
Un nouveau contrat social, citoyen et démocratique,
Un transfert pacifique de souveraineté vers des institutions civiles.

En conclusion

Le changement n’est pas un slogan.
C’est une volonté politique, une vision claire et, surtout, un courage collectif d’affronter les vrais problèmes sans hypocrisie ni tabous.
L’Algérie mérite mieux.
Elle mérite un État à la hauteur de ses aspirations, de son histoire et de ses enfants.

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