Riposte Internationale

Hocine Boumedjane, militants des droits de l’homme : « les droits fondamentaux sont menacés »

Hocine Boumedjane, militant des droits humains.

Hocine Boumedjane, défenseur des droits humains a rendu publique une lettre à travers laquelle de la situation des droits de l’Homme en Algérie. Le constat qu’il fait est sans appel. Voici la lettre dans son intégralité.  

Le 12° forum des droits humains que la LADDH célébrait chaque année à l’occasion de la journée mondiale des droits de l’homme, ne le sera pas cette année. Notre Ligue est dissoute.  

75 ans après l’adoption de la déclaration universelle des droits de l’homme la situation des droits humains reste très préoccupante dans notre pays l’année 2023 est une année sombre pour les droits humains. 

Cette année est marquée par la dissolution de la LADDH. Un document circulant sur les réseaux fait état de dissolution rendu par le tribunal d’Alger sans que nous soyons avisés et notifié. Son exécution est immédiate, d’abord le forum des Droits humains a été interdit de célébration.

Les droits fondamentaux que nous avons chèrement acquis en 1988 au prix d’un sacrifice suprême qui a permis l’ouverture démocratique sont menacés.  

Le 23 janvier 2023, le siège du CDDH- Bejaia est mis sous scellées par les services de sécurité qui ont procédé à l’exécution de décision de dissolution. La MDHC de Tizi-Ouzou a subi le même sort. Le CDDH Bejaia qui restait le seul espace dynamique en se distinguant par les différentes activités qu’il a menées, en tant que lieu d’alerte, un espace de débat et d’interaction, un lieu de rencontres de toutes les sensibilités et les dynamiques de la société : partis, associations, syndicats, étudiants, travailleurs, écrivains, femmes, journalistes, avocats, chômeurs, élus …etc

La mise sous scellés du CDDH est une décision arbitraire

Durant l’été 2022, nous avons décidé de créer une association locale à vocation culturelle et de droits humains.  Un dossier pour un agrément a été déposé le 03 août 2022 auprès de l’APC de Bejaia, celui-ci a été ensuite transmis au ministère de l’Intérieur et s’est vu rejeté après plus de trois mois d’attente alors que les délais sont largement dépassés et dont le motif n’est pas évoqué ou notifié.

Quelques jours après plusieurs activistes du Hirak et militants ont vu leurs passeports saisis et placés sous ISTN. Un nombre important est constaté au niveau de la wilaya de Bejaia. Une année après nos passeports ne sont toujours pas restitués. 

Le Hirak mouvement populaire qui avait suscité l’espoir pour la construction d’un Etat de droit après des mois de mobilisation pacifique fût étouffé, les activités de la LADDH, de RAJ et des cafés littéraires furent interdites.  

Un acharnement contre les activistes et les militants qui se sont vus  poursuivis par de multiples poursuites judiciaires, les auditions, les contrôles judiciaires, les gardes à vue, les reports excessifs des procès, les arrestations, les intimidations, les harcèlements et les détentions arbitraires.

Les partis politiques PST, UCP, RCD et MDS ont tous fait l’objet de rappel à l’ordre sous peine de dissolution, de poursuite judiciaire ou de gel d’activités. Les syndicats autonomes ne sont pas épargnés à l’instar du CNAPESTE et du SNAPAP.

La LADDH, RAJ et le café littéraire d’Aokas et d’autres sont dissoutes sur décision administrative, Radio M est mise sous scellées, des journaux interdits de parution.

C’est une régression sur tous les plans. Les libertés sont menacées, la presse est sous contrôle et la justice est actionnée 

Que reste-t-il comme acquis quand toute manifestation publique est interdite et mène à des poursuites judiciaires ?

Que reste-il quand des journalistes comme Ihsane El Kadi sont emprisonnés et poursuivis à cause de leurs opinions ?

La législation anti-terroriste notamment l’article 87 bis du code pénal a accentué les atteintes aux droits fondamentaux et bafoué les libertés. 

Les droits de réunion et de manifestation sont garantis dans la Constitution mais restreints, voire interdits dans la pratique. Une surveillance permanente de l’internet et des réseaux sociaux visant à réduire la liberté d’expression en imposant des sanctions pénales. Il y a un grand décalage entre les textes et la réalité quotidienne.

L’Etat doit impérativement procéder à :

– L’ouverture du champ politique et médiatique ;  

– L’abrogation de l’article 87 bis qui vise à criminaliser l’action politique et étouffer les contestations sociales ;

– La consécration de l’effectivité des libertés (individuelles et collectives) par l’abrogation de toutes les lois liberticides ;  

– La cessation de toutes actions judiciaires à l’encontre des militants et les activistes pacifiques ;

– L’exigence de la libération de tous les détenus d’opinion et politiques ;

Hocine Boumedjane 

Défenseur des droits humains.