L’avocat Mounir Gharbi, membre du collectif de défense des détenus d’opinion en Algérie, fait face à une série de poursuites judiciaires en raison de publications sur Facebook et d’une plaidoirie juridique. Une affaire qui a suscité de vives critiques de la part d’organisations de défense des droits humains, notamment MENA Rights Group, laquelle considère ces poursuites comme une violation flagrante de la liberté d’expression et de l’indépendance de la profession d’avocat.
Le 16 février 2025, le tribunal de Sétif a rendu un jugement par contumace condamnant Mounir Gharbi à trois ans de prison, dont deux ans ferme, assortis d’une amende de 200 000 dinars algériens. Il a été reconnu coupable de « diffusion de publications susceptibles de porter atteinte à l’intérêt national » et « outrage à un corps constitué », sur le fondement des articles 96 et 146 du Code pénal.
Cette condamnation fait suite à des publications diffusées le 6 avril 2022, dans lesquelles il commentait l’annonce par les autorités du décès de Madani Lallous en 2020, puis son arrestation annoncée en 2022 dans le cadre d’une opération qualifiée de lutte antiterroriste — des informations qui avaient pourtant été relayées par des médias nationaux et internationaux.
Auparavant, le 30 mai 2022, Mounir Gharbi avait été convoqué par la police judiciaire de Sétif pour être interrogé au sujet de ces publications, que des défenseurs des droits humains considéraient comme relevant de l’expression d’une opinion personnelle protégée par la liberté d’expression garantie par la loi. Toutefois, les poursuites ne se sont pas arrêtées à cette affaire.
Dans une seconde procédure, directement liée à l’exercice de sa profession, Mounir Gharbi a été entendu le 3 décembre 2024 par un juge d’instruction près le tribunal de Bordj Bou Arréridj, à la suite d’une plaidoirie prononcée le 14 septembre 2020, au cours de laquelle il appelait au respect des droits fondamentaux des détenus d’opinion qu’il défendait. Le même jour, il a été inculpé pour « outrage à des fonctionnaires publics et à des institutions de l’État » ainsi que pour « violence à leur encontre », en vertu des articles 144, 146 et 147 du Code pénal.
Parallèlement à ces poursuites judiciaires, l’avocat fait face à des entraves professionnelles. À ce jour, il n’a toujours reçu aucune réponse à sa demande d’agrément auprès de la Cour suprême et du Conseil d’État, déposée le 16 juin 2022. Selon les informations disponibles, ce retard ne concerne que son dossier, alors que d’autres avocats ayant déposé des demandes ultérieurement ont obtenu des réponses officielles.
L’organisation MENA Rights Group estime que ces deux affaires illustrent un schéma d’instrumentalisation des dispositions pénales afin de criminaliser la liberté d’expression et de cibler les défenseurs des droits humains. Elle rappelle que le Comité des droits de l’homme des Nations unies avait déjà exprimé, dans ses observations finales sur le rapport de l’Algérie de 2018, son inquiétude quant à l’application persistante de ces mêmes articles, utilisés pour entraver le travail des militants et des avocats.
Dans ce contexte, MENA Rights Group a adressé, le 31 mars 2025, un appel urgent à plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies, notamment la rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, ainsi que celle sur la liberté d’opinion et d’expression. L’organisation estime que les poursuites visant Mounir Gharbi violent l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et portent atteinte aux garanties de la défense ainsi qu’à l’indépendance de la profession juridique.
Selon plusieurs observateurs, cette affaire dépasse le cas individuel d’un avocat. Elle remet une nouvelle fois en lumière la question des limites de la liberté d’expression en Algérie et l’usage de l’appareil judiciaire comme outil de pression contre les avocats engagés dans la défense des détenus d’opinion depuis le Hirak de 2019.