Dans la plupart des pays du monde, les salons du livre sont des moments de fête. Ils rassemblent les passionnés de lecture, offrent aux auteurs l’opportunité de rencontrer leurs lecteurs et favorisent un dialogue sincère autour de la culture et de la pensée. Ces événements sont devenus, pour beaucoup, bien plus qu’un simple rendez-vous littéraire : certains y consacrent même un budget spécial, tant l’expérience du livre papier et la rencontre avec un écrivain sont uniques. J’en fais partie.
Malheureusement, en Algérie, le Salon international du livre d’Alger (SILA) semble s’éloigner chaque année un peu plus de cet esprit. Loin d’être un espace de liberté et de partage, il est devenu un instrument politique où la censure et l’exclusion prennent racine. Les écrivains et éditeurs indépendants, porteurs d’une parole libre, y sont souvent persona non grata, tandis que les voix conformes au discours officiel y sont accueillies à bras ouverts.
Après la maison d’édition Koukou, dirigée par le journaliste Arezki Aït Larbi, écartée pour avoir publié des œuvres jugées « dérangeantes », c’est désormais Tafat qui subit le même sort. Selon une publication sur leur page officielle, leur demande de participation au SILA a été rejetée, sans aucune explication des organisateurs. Une décision qui s’ajoute à une longue liste d’exclusions arbitraires.
Quelle que soit la justification avancée, empêcher une maison d’édition de participer à un salon du livre, alors qu’aucun de ses ouvrages n’incite à la haine ni ne porte atteinte à autrui, constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression et au pluralisme intellectuel. C’est aussi un signe inquiétant du rapport que nos institutions entretiennent avec la pensée critique.
Le commissaire du SILA devrait se rappeler qu’interdire un livre ou marginaliser un éditeur ne fait qu’attiser la curiosité du public. C’est souvent dans la censure que les lecteurs trouvent leur plus grande motivation à lire. Pour ma part, c’est grâce au roman Houaria, pourtant controversé, que j’ai renoué avec la lecture en arabe. Et je remercie, ironiquement, ses détracteurs : sans leur indignation, je serais peut-être passé à côté d’une écrivaine aussi talentueuse.
La liberté d’écrire et de publier ne devrait pas être négociable. Tant que les salons du livre en Algérie excluront les voix libres, ils ne seront que l’ombre de ce qu’ils prétendent célébrer : la littérature.