L’arrestation de Lounis Saïdi, secrétaire général du Syndicat national des cheminots, illustre une atteinte grave aux droits syndicaux en Algérie. Ce militant a été placé en détention provisoire peu après avoir déposé, au nom de sa fédération, un préavis de grève illimitée.
Prévue pour débuter le 7 juillet, cette grève visait à dénoncer une série de dysfonctionnements dans le secteur ferroviaire : non-respect des accords salariaux, conditions de travail dégradées, et marginalisation des instances syndicales. Mais c’est bien l’acte même de revendiquer qui a conduit à la privation de liberté de Saïdi — une situation qui remet en cause les libertés fondamentales garanties par la Constitution.
Cette incarcération s’appuie sur la nouvelle loi algérienne sur le droit de grève, adoptée le 21 juin 2023. Présentée comme un texte équilibré, elle est aujourd’hui dénoncée comme un outil de restriction des droits. Les organisations syndicales et de défense des droits humains y voient une remise en cause directe du droit de grève, avec des conditions de plus en plus strictes pour qu’un mouvement soit reconnu légal : obligation de médiation, protocoles de conciliation, délais rallongés. Des exigences qui compliquent volontairement l’expression syndicale et rendent les militants vulnérables à des poursuites.
Le cas de Saïdi incarne cette dérive. En agissant dans le cadre de son mandat syndical, il exerçait un droit reconnu par la Constitution. Son arrestation constitue donc une violation manifeste de ses droits en tant que représentant des travailleurs.
La fédération syndicale des cheminots a dénoncé « l’impasse dangereuse » provoquée par le refus de dialogue de la direction générale de la Société nationale des transports ferroviaires, accusée d’avoir ignoré les revendications et bloqué les processus démocratiques internes au syndicat.
La direction a, de son côté, justifié sa position par une interprétation étroite de la loi, remettant en question la légitimité du préavis de grève et accusant le syndicat de ne pas respecter les procédures exigées. Tout en appelant les travailleurs à la responsabilité, elle a discrédité le mouvement en le qualifiant de « perturbateur ».
Mais derrière ce conflit apparent entre syndicat et direction, c’est bien le respect des droits fondamentaux qui est en jeu. L’élargissement de la liste des secteurs dits « essentiels », où le droit de grève est limité, et le flou autour de la notion de « représentativité syndicale » permettent d’écarter ou de criminaliser toute opposition.
L’affaire Lounis Saïdi ne relève donc pas d’un simple litige professionnel. Elle symbolise l’érosion des libertés syndicales en Algérie et le renforcement d’un cadre légal qui transforme l’exercice des droits en infraction. Pour nombre d’observateurs, elle marque un tournant inquiétant vers un système qui criminalise la parole syndicale et compromet les garanties fondamentales des travailleurs.
Riposte Internationale